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La Loi Sociale Fondamentale

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Sketch of Rudolf Steiner lecturing at the East-West Conference in Vienna.



La Loi Sociale Fondamentale


Un essai de
Rudolf Steiner
GA 34 / Bn 34.1.17

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La Loi Sociale Fondamentale

Un essai de Rudolf Steiner

GA 34

Bien que l’on soit contraint de ne faire qu’effleurer le sujet, il y aura toujours des personnes qui seront conduites par leur sentiment à reconnaître la vérité de ce qu’il est impossible de traiter ici dans son intégralité. Il existe une loi sociale fondamentale, que la science spirituelle enseigne et qui peut se formuler de la manière suivante :


« Le bien-être d’une communauté d’êtres humains travaillant ensemble
sera d’autant plus grand
que l’individu prétendra moins au produit de son propre travail
pour lui-même ;
c’est-à-dire au plus il transférera le produit de son travail aux autres,
et au plus ses propres besoins seront satisfaits, non par son propre travail,
mais par le travail des autres. »


Tout arrangement, dans toute société, qui serait contraire à cette loi devra inévitablement engendrer, après quelque temps, pénurie et misère. Il s’agit d’une loi fondamentale, valable pour toute vie sociale, aussi absolue et nécessaire que toute loi naturelle l’est dans son domaine particulier de causalité naturelle. Il ne faut pas s’imaginer, cependant, qu’il est suffisant de reconnaître cette loi comme ayant une portée de moralité générale, ou qu’il est suffisant de l’interpréter dans le sens du sentiment que chacun devrait se mettre au service de la société. Non, cette loi est vivante dans la réalité comme elle le doit lorsqu’une société parvient à créer les arrangements concrets tels que personne ne puisse jamais prétendre aux fruits de son propre travail pour lui-même, et doive les mettre entièrement à la disposition de la société. Et cette personne devra, en retour, voir ses besoins entièrement satisfaits par le produit du travail des autres membres de la société. Le point important, par conséquent, est que travailler pour la société d’une part et obtenir un certain revenu d’autre part, doivent être vus comme des choses séparées et qui doivent rester séparées. [Notre accentuation.]

Les personnes qui se targuent d’être des ‘personnes pratiques’ n’auront certainement qu’un sourire pour un tel ‘idéalisme outrancier.’ Et cependant cette loi est plus pratique que n’importe quelle autre qui a jamais été énoncée ou mise en application par les ‘praticiens.’ Quiconque examine réellement la vie pratique découvrira que toute société qui existe ou qui a jamais existé où que ce soit, a deux sortes d’arrangements : les uns en accord avec cette loi, et les autres en contradiction avec elle. Il en est forcément ainsi partout, qu’on le veuille ou non. Toute société, en effet, se désintégrerait immédiatement si le travail de l’individu n’était pas transféré vers l’entièreté de la communauté. Mais l’égoïsme humain est de tout temps allé à l’encontre de cette loi, et a cherché à retirer pour l’individu lui-même autant que possible de son propre travail. Et ce qui a ainsi surgit, ce qui a ainsi été mis en place depuis toujours par l’égoïsme humain, a, à lui seul, apporté misère, pauvreté et affliction. Ceci signifie simplement que les arrangements créés par les ‘praticiens,’ se fondant soit sur leur propre égoïsme, soit sur celui des autres, que ces arrangements se révéleront toujours comme n’ayant aucun rapport avec la pratique.

Maintenant, bien sûr, il ne s’agit pas simplement d’admettre une telle loi. La partie réellement pratique commence avec la question : comment peut-on traduire cette loi dans les faits réels ? Très clairement, cette loi nous dit : le bien-être humain est d’autant plus grand que l’égoïsme est moindre. Ainsi, pour la traduire dans la réalité, il faut des personnes qui peuvent trouver leur chemin hors de l’égoïsme. En pratique, cependant, cela est presque impossible tant que la participation de l’individu au bien public est mesurée par le travail, si sa part de gâteau est mise en rapport avec le travail qu’il fournit. Celui qui travaille pour son propre intérêt est contraint à devenir graduellement égoïste. Seul celui qui travaille uniquement pour les autres peut graduellement échapper à l’égoïsme et devenir ainsi un travailleur sans égoïsme.

Mais il y a une chose qui est nécessaire avant tout. Si une personne travaille pour l’autre, cela signifie qu’elle doit voir en cet autre la raison de son travail ; et si une personne travaille pour la communauté, elle doit percevoir et sentir la valeur, la nature et l’importance de cette communauté. Elle peut seulement faire cela lorsque la communauté représente quelque chose de fondamentalement différent d’une agglomération plus ou moins indéfinie d’individus. Elle doit être inspirée par un esprit réel, dans lequel chacun a sa place. Il faut qu’il en soit ainsi que chacun se dise : « Il en est comme il doit être, et je veux qu’il en soit ainsi. » La société doit avoir une mission spirituelle, et chaque individu doit avoir la volonté de contribuer à l’accomplissement de cette mission. Tous les idéaux vagues et abstraits desquels les gens parlent ordinairement ne peuvent aller dans le sens d’une telle mission. S’il ne pouvait exister que de tels idéaux, alors un individu par-ci ou un groupe par-là travailleraient sans une vue globale claire de l’utilité de leur travail, si ce n’est d’apporter un certain bénéfice à leurs familles, ou d’apporter quelque bénéfice aux intérêts auxquels il leur arrive d’être attachés. En chaque membre de la société, jusqu’au plus solitaire d’entre eux, cet esprit de la communauté doit être vivant…

Personne n’a le devoir de découvrir une solution à la question sociale qui serait valable une fois pour toutes, mais simplement de trouver la forme adéquate à donner à ses pensées et à ses actions sociales, à la lumière des besoins immédiats du temps dans lequel il vit. En effet, il n’y a aujourd’hui aucun schème qui puisse être conçu ou mis en application par qui que ce soit et qui, de lui-même, résoudrait la question sociale. Pour qu’il puisse en être ainsi, il faudrait que cette personne dispose du pouvoir de forcer un certain nombre d’autres à entrer dans les conditions qu’il aurait créées. Mais, de nos jours, une telle solution est hors de question. La possibilité doit être trouvée que chaque personne fasse à partir de sa propre volonté libre ce qu’elle est appelée à faire selon ses forces et ses capacités. [Notre accentuation.] C’est pour cette raison qu’il ne peut être question d’amener les gens théoriquement vers une solution, en les endoctrinant simplement avec une manière de concevoir comment les conditions économiques pourraient être arrangées pour le mieux. Une théorie économique sèche et froide ne pourra jamais devenir une force, cette force qui est nécessaire pour contrecarrer la puissance de l’égoïsme. Pour un temps, c’est vrai, une théorie économique de cette sorte peut insuffler les masses d’un élan qui ressemble à un idéal ; mais dans le long terme rien n’y fera. Celui qui implante une théorie de cette sorte dans la masse des gens sans l’accompagner au même moment d’un contenu spirituel réel à leur donner, celui-là commet un péché contre la signification réelle de l’évolution humaine. La seule chose qui soit utile est une conception spirituelle du monde qui d’elle-même, à travers ce qu’elle a à offrir, peut vivre dans les pensées, dans les sentiments, dans la volonté – en un mot, dans l’âme humaine tout entière…

La reconnaissance de ces principes signifie, il est vrai, la fin de plus d’une illusion pour les diverses personnes dont l’ambition est d’être des bienfaiteurs publics. Cela rend la tâche d’œuvrer pour le bien-être social bien difficile ; cela en fait aussi une tâche dont les résultats, dans certaines circonstances, ne sembleront être que des résultats partiels et insignifiants. La plupart de ce qui est exprimé aujourd’hui par toutes les parties comme la panacée pour la vie sociale perd toute valeur, et ne peut être vu que comme des phrases creuses, auxquelles il manque une connaissance véritable de la vie humaine. Aucun parlement, aucune démocratie, aucune agitation populaire ne peut avoir aucun sens pour une personne ayant la volonté de voir les choses en profondeur, dès lors qu’ils violent la loi exprimée plus tôt ; tandis que s’ils la respectent, leur action pourra produire des résultats réels. C’est véritablement une illusion de croire qu’une personne ou l’autre envoyée devant un parlement ou l’autre par le peuple puisse atteindre quoi que ce soit pour le bien de l’humanité, à moins que leur action soit en conformité avec la loi sociale fondamentale.

Là où cette loi trouve une expression extérieure, là où quiconque est au travail selon elle – dans la mesure où cela est possible dans la position particulière que cette personne occupe dans la société – des résultats favorables seront atteints, même si c’est dans ce cas unique et dans une mesure infime. Et c’est seulement par leur nombre que des résultats individuels atteints de cette manière pourront se combiner dans le sens du sein progrès collectif de la société.

Une vie sociale saine est atteinte
Quand, dans le miroir de chaque âme humaine
La communauté entière est donnée forme,
Et quand dans la communauté
Vit la force de chaque âme humaine.




Traduit de l’anglais à partir d’un document publié sur le site www.rudolfsteinerelib.org

Traduction : Vincent Abinet v.abinet@advalvas.be

Références du document anglais :

Taken from: ‘Understanding the Human Being’, selected writings of Rudolf Steiner, Edited by Richard Seddon, Rudolf Steiner Press, Bristol, 1993, ISBN: 1-85584-005-7.

From: Chapter 7 – Reordering of Society:

Essay Source = Anthroposophy, 1927 Vol. II, N° 3, ‘Anthroposophy and the Social Question’, 1919, GA 34.




Last Modified: 07-Oct-2024
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