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L'Initiation

L'Initiation: Premiere Partie: L'Initiation

On-line since: 17th July, 2006

L'INITIATION

L'initiation est le suprême degré d'une discipline occulte sur laquelle on puisse dans un livre donner des indicationsencore accessibles à tous. Ce qu'on pourrait dire sur les degrés qui sont au-delà de l'initiation ne serait plus guère compréhensible. Mais on sait en trouver le chemin, si, à travers la préparation, l'illumination et l'initiation, on a pénétré jusqu'aux mystères mineurs.

Sans l'initiation, l'homme ne pourrait acquérir que dans un avenir éloigné, après de nombreuses incarnations, par une voie et sous une forme tout autres, le savoir et le savoir-faire qu'elle confère. Celui qui est initié aujourd'hui expérimente ce qu'il n'aurait été appelé à connaître que bien plus tard et dans des circonstances très différentes.

Chacun ne peut découvrir sur les mystères de l'existence que ce qui répond à son degré de maturité. C'est pour cette seule raison qu'il rencontre des obstacles à mesure qu'il avance vers les degrés supérieurs du savoir et du savoir-faire. Vous ne mettriez pas une arme à feu entre les mains d'un individu avant qu'il n'ait assez d'expérience pour s'en servir sans causer de malheur.

Si aujourd'hui quelqu'un était initié de but en blanc, il lui manquerait l'expérience qu'il doit encore acquérir au cours de ses incarnations futures jusqu'au moment où les mystères correspondant à son évolution normale lui seront dévoilés. C'est pourquoi, au seuil de l'initiation, il faut qu'en attendant cette expérience quelque chose d'autre en tienne lieu. Les premières instructions que reçoit le candidat à l'initiation sont donc destinées à compenser provisoirement l'expérience à venir. C'est ce qu'on appelle les « épreuves probatoires » qu'il faut traverser. Elles sont l'aboutissement normal du travail intérieur si les exercices ont suivi correctement la voie décrite dans les chapitres précédents.

Certes, on rencontre souvent des livres qui font allusion à ces « épreuves ». Mais ils ne peuvent évoquer qu'une image fausse de la réalité. Car celui qui n'a pas passé par la préparation et l'illumination, n'a jamais eu l'expérience de ces épreuves, est incapable d'en donner une description véridique.

Devant l'âme du candidat se présentent un certain nombre de choses et de phénomènes provenant des mondes supérieurs; mais il ne peut naturellement les voir et les entendre que s'il est capable de ressentir les figures, les couleurs, les sons, etc. dont nous avons parlé en traitant de la préparation et de l'illumination.

La première « épreuve » consiste à acquérir au sujet des propriétés matérielles des corps inanimés, puis des plantes, des animaux, enfin de l'homme, des vues plus exactes que les vues habituelles. Nous n'entendons pas par là ce qu'on appelle aujourd'hui la connaissance scientifique. Il ne s'agit pas de science, mais de vision.

Ce qui se produit généralement, c'est que le candidat à l'initiation apprend à reconnaître de quelle manière les choses de la nature et les êtres vivants se manifestent à l'œil et à l'oreille spirituels, de sorte que, dans une certaine mesure, ces phénomènes apparaissent à l'observateur comme dévoilés et nus. Ce qu'il voit et qu'il entend se dérobe à l'oeil et à l'oreille physiques. Pour la vision sensorielle, ils sont recouverts d'un voile. Ce voile tombe devant le candidat suivant un processus que l'on peut appeler un phénomène spirituel de consomption. C'est pourquoi l'on nomme cette première probation « l'épreuve du feu  ».

Pour beaucoup d'hommes, la vie ordinaire constitue déjà par elle-même de manière plus ou moins consciente une épreuve d'initiation par le feu. Ces hommes accomplissent des expériences enrichissantes, grâce auxquelles ils voient croître d'une manière saine et normale leur confiance en soi, leur courage et leur fermeté; par suite, ils supportent la douleur, les déceptions et l'échec de leurs entreprises avec une grandeur d'âme, un calme, une force inébranlables. Celui qui a passé par de telles expériences est souvent sans le savoir déjà un initié. Un rien suffit pour ouvrir ses yeux et ses oreilles spirituels et faire de lui un clairvoyant. Car, il faut bien le remarquer, une véritable « épreuve du feu » n'a pas pour but de satisfaire la curiosité du candidat. Certes, il découvre des faits inhabituels, dont on n'a d'ordinaire aucune idée. Mais cette découverte n'est pas le but, elle n'est que le moyen d'arriver au but. Le but est d'acquérir par cette connaissance des mondes supérieurs une confiance en soi plus profonde et mieux fondée, un courage plus ferme, une grandeur d'âme et une persévérance tout autres que celles qui s'acquièrent généralement sur terre.

Après « l'épreuve du feu », il est encore possible à tout candidat de retourner en arrière. Il continuera son existence, fortifié dans son corps et dans son âme, et ne reprendra son chemin d'initiation que dans sa prochaine incarnation. Dans cette incarnation-ci, il sera un membre plus utile de la communauté humaine qu'il ne l'était auparavant. Dans quelque situation qu'il se trouve, sa fermeté, son jugement et son heureuse influence sur ses semblables, aussi bien que son esprit de décision, auront fait de notables progrès.

Si le candidat qui a subi l'épreuve du feu veut continuer d'avancer dans son entraînement, il faut que lui soit révélé le « système d'écriture particulier » en usage dans la discipline occulte. Les véritables enseignements occultes sont rédigés dans cette écriture, car ce qui constitue le caractère « caché » (occulte) des choses ne peut par définition s'exprimer ni par les mots de la langue commune, ni par les signes de l'écriture courante. Ceux qui ont reçu l'enseignement des initiés traduisent de leur mieux en langue commune les leçons de la sagesse. L'écriture occulte se révèle à l'âme qui acquiert la perception spirituelle; les caractères en sont toujours gravés dans le monde de l'esprit. On ne l'apprend pas comme une écriture artificielle. Dans l'âme où grandit la connaissance clairvoyante, objective, une faculté se développe, une force la pousse à déchiffrer les phénomènes et les êtres spirituels comme les caractères d'une écriture. Il pourrait se faire que cette force, avec « l'épreuve » qu'elle comporte, s'éveille tout naturellement au cours du développement intérieur. On parvient pourtant plus sûrement au but en suivant les indications des occultistes versés dans la lecture de ces caractères.

Les signes de l'écriture cachée ne sont pas arbitrairement composés, mais conformes aux forces qui agissent dans l'univers. On apprend par eux le langage des choses. Le candidat constate bientôt que les signes qu'il découvre correspondent aux figures, aux couleurs, aux sons, etc. qu'il a appris à percevoir au cours de la préparation et de l'illumination. Il se rend compte qu'il n'a encore fait qu'épeler l'alphabet. Maintenant seulement, il va commencer à lire dans les mondes supérieurs. Comme un majestueux ensemble se découvre tout ce qui ne lui apparaissait auparavant qu'en phénomènes isolés. Maintenant seulement ses observations spirituelles sont vraiment authentiques. Auparavant il ne pouvait jamais avoir la certitude complète que les choses qu'il avait vues avaient bien été vues. Maintenant seulement un accord assuré peut exister entre le candidat et l'initié dans les domaines de la science supérieure. Car, quelles que soient les relations d'un initié et d'un autre homme dans la vie ordinaire, l'initié ne saurait communiquer sa science sous une forme immédiate qu'au moyen de ce langage des signes. Par cette langue, le disciple se familiarise également avec un certain nombre de règles de conduite de vie. Il prend conscience de certains devoirs dont il n'avait aucune idée auparavant. Et quand il sait mettre en pratique ces règles de conduite, il peut accomplir des actions chargées d'un sens que ne peuvent jamais avoir les actes d'un homme qui ne serait pas initié. Sa conduite s'inspire des mondes supérieurs. Ces inspirations ne peuvent être saisies que dans cette langue dont nous parlons.

Il faut bien dire cependant que certains êtres peuvent accomplir inconsciemment des actions inspirées, bien qu'ils n'aient jamais suivi d'entraînement occulte. Ces aides de l'humanité et de l'univers traversent la vie en répandant bienfaits et bénédictions. Pour des raisons que nous ne pouvons expliquer ici, ils ont reçu des dons qui paraissent naturels. La seule chose qui les distingue du chercheur, c'est que ce dernier agit avec conscience et en discernant ce qu'il veut réaliser par rapport à l'ensemble; il conquiert par discipline ce que les puissances supérieures donnent aux autres pour le bien du monde. Ces hommes bénis de Dieu méritent la vénération, mais on ne doit pas pour autant tenir l'entraînement pour superflu.

Quand le disciple a appris la langue des signes, il va rencontrer une autre « épreuve ». Celle-ci doit révéler s'il peut évoluer dans les mondes supérieurs avec liberté et sûreté. Dans la vie ordinaire, c'est du dehors que les impulsions poussent l'homme à agir. Il accomplit telle ou telle besogne parce que les circonstances lui en imposent le devoir. — Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que l'étudiant ne doit abandonner aucun de ses devoirs quotidiens sous prétexte qu'il participe à une vie supérieure. Nul devoir assumé à l'égard du monde spirituel ne peut forcer quelqu'un à négliger une seule de ses obligations pratiques. Le père de famille demeure aussi bon père de famille, la mère aussi bonne mère; ni le fonctionnaire, ni le soldat, ni aucun citoyen ne peut être détourné de ses devoirs par la pratique de l'occultisme. Au contraire, toutes les qualités qui font la valeur d'un homme dans la vie doivent progresser chez l'étudiant dans une mesure dont le profane ne saurait se faire aucune idée. Et si les non-initiés ont parfois une autre impression, chose peu fréquente et même rare, cela vient de ce qu'ils ne sont pas toujours à même de porter un jugement exact sur un initié. Ce que fait ce dernier est souvent pour eux inexplicable, du moins en certains cas.

Pour celui qui est arrivé au degré précité de l'initiation, il existe des devoirs qui ne sont plus déterminés par aucun mobile extérieur. Ce ne sont pas les circonstances du dehors qui le guident en ce domaine, mais bien des règles de conduite qui lui ont été révélées par la langue « cachée ». Par la deuxième « épreuve », il doit prouver maintenant que ces règles le dirigent avec autant de sûreté et de fermeté qu'un fonctionnaire soumis à son règlement. — Dans ce but, le candidat doit se sentir placé, à un moment de son entraînement, en face d'une certaine tâche. Il doit accomplir une action en s'inspirant de ce qu'il a perçu pendant les périodes de préparation et d'illumination. Et cette action elle-même, il doit la déchiffrer dans le langage des signes. S'il sait reconnaître son devoir et agir en conséquence, il a subi victorieusement l'épreuve. On reconnaît le succès au changement provoqué par l'action dans les figures, les couleurs et les sons que perçoivent l'oreille et l'œil spirituels. A mesure qu'on progresse dans l'entraînement occulte, on voit parfaitement comment ces figures, etc., vous font une autre impression d'après l'action accomplie. Et le candidat doit savoir comment il peut amener ce changement.

On appelle cette épreuve: « épreuve de l'eau », parce qu'on perd le sol ferme que procurent les conditions extérieures, de même que tout appui fait défaut à celui qui nage dans une eau profonde. L'épreuve doit être renouvelée jusqu'à ce que le candidat ait conquis une parfaite assurance.

Dans cette épreuve aussi, il s'agit d'acquérir une qualité nouvelle et, par ces expériences dans les mondes supérieurs, on porte cette qualité en peu de temps jusqu'à un degré qu'on n'aurait atteint normalement qu'après de nombreuses incarnations. Le point essentiel est le suivant: pour obtenir la transformation voulue dans cette région supérieure de l'existence, le candidat ne doit suivre aucune autre indication que sa perception spirituelle et ce qu'il a déchiffré dans la langue secrète. Si, au cours de l'action qu'il doit accomplir, ses désirs, ses opinions, etc. exerçaient sur lui la moindre pression et qu'il oubliât un seul moment de se conformer aux lois qu'il a personnellement reconnues comme vraies, alors il arriverait tout autre chose que ce qui doit arriver. Le candidat cesserait bientôt de s'orienter vers le but de son action et la confusion l'égarerait. Aussi l'homme a-t-il, par cette épreuve, une occasion exceptionnelle de développer la maîtrise de soi. Et c'est là le point. A nouveau, cette épreuve sera franchie plus facilement par ceux qui, avant l'initiation, auront mené une existence capable de leur donner la maîtrise d'eux-mêmes. Celui qui a conquis le pouvoir de mettre de côté ses caprices et ses volontés personnelles pour servir un idéal et des principes élevés, celui qui sait toujours faire son devoir, même lorsque ses penchants et ses sympathies vont à l'encontre, celui-là inconsciemment est déjà dans la vie ordinaire un initié. Il ne lui faut plus que peu de chose pour qu'il puisse triompher de l'épreuve décrite. Disons même qu'il est indispensable d'avoir déjà inconsciemment acquis dans l'existence un certain degré d'initiation pour affronter avec succès la deuxième épreuve. En effet, les gens qui n'ont pas, dès leur jeunesse, appris à écrire correctement éprouvent de grandes difficultés à le faire dans leur âge mûr. De même, il sera difficile d'atteindre en présence des mondes supérieurs le degré nécessaire de maîtrise de soi, si l'on n'en possède pas déjà un certain degré dans l'existence quotidienne. Les choses du monde physique restent ce qu'elles sont quels que soient nos désirs, nos exigences, quelles que soient nos tendances. Mais dans les mondes supérieurs, ces désirs, ces passions, ces tendances modifient l'environnement; si donc nous voulons obtenir dans ces domaines un résultat certain, il faut que nous ayons une complète domination de nous-même et suivions uniquement la règle de conduite parfaite, sans jamais céder à l'arbitraire.

Une qualité essentielle à ce stade de l'initiation est, sans contredit, un jugement sûr et sain. Il faut veiller à le développer dès les premiers degrés, car à ce moment-là le candidat doit prouver qu'il en possède suffisamment pour pénétrer dans le véritable sentier de la connaissance. Il ne saurait progresser que s'il peut distinguer de la vraie réalité tout ce qui est illusion, fantasmagorie, superstition ou mirage. Aux degrés supérieurs de l'existence, ce discernement est plus difficile que dans le monde physique. Tout préjugé, toute opinion préférée doit disparaître en face de ce qu'on aborde; l'unique vérité doit servir de boussole. On doit être entièrement préparé à abandonner une pensée, une opinion, une vue personnelle si la pensée logique le réclame, car on ne peut acquérir des certitudes dans le monde supérieur que si l'on ne cherche jamais à flatter sa propre opinion.

Des hommes enclins aux rêveries, aux superstitions, ne peuvent faire aucun progrès dans le sentier. Le chercheur doit acquérir un bien précieux: celui d'être délivré de tout doute à l'égard des mondes supérieurs. Ceux-ci vont se révéler à son regard dans leur essence et dans leurs lois. Mais il ne peut pas en être ainsi tant qu'il se laisse prendre à des mirages et à des illusions. Il serait dangereux pour lui que son imagination ou ses préjugés entraînent sa raison. Les rêveurs et les fantasques ne sont pas faits pour l'occultisme, pas plus que les superstitieux. On ne saurait assez le répéter. La rêverie, l'imagination déréglée, la superstition sont les pires ennemis qui guettent le disciple sur le sentier de la connaissance spirituelle. Ne vous figurez pourtant pas que la poésie de la vie, le don d'enthousiasme lui échappent parce qu'il aura lu sur la porte qui mène à la deuxième probation ces mots: « Abandonne tout préjugé », et sur la porte qui conduit à la première cette phrase: « Sans un bon sens éprouvé, tes pas sont vains. »

Si le candidat a suffisamment progressé en ce sens, la troisième probation l'attend. Là, il ne perçoit plus aucun but extérieur. Tout est remis entre ses mains. Il se trouve dans une situation où rien ne le pousse à agir. Il est complètement seul pour trouver sa route. Nul être, nulle chose qui puisse l'influencer. Rien ni personne ne saurait lui donner la force dont il a besoin, si ce n'est lui-même. S'il ne trouvait pas cette force en lui, il serait bientôt revenu à la même place qu'auparavant. Mais il faut dire que, parmi ceux qui ont triomphé des précédentes épreuves, il en est peu qui ne trouvent cette force. Ou bien l'on reste en route à l'une des étapes précédentes, ou bien l'on triomphe ici encore. La chose essentielle consiste à y voir clair sur-le-champ, car ici il faut trouver son Moi supérieur dans le vrai sens du mot. Il faut rapidement se décider à suivre l'indication de l'esprit en toute chose. On n'a plus le temps de délibérer ou de mettre en doute. Toute minute d'hésitation prouverait que l'on n'est pas encore mûr. Ce qui empêche de prêter l'oreille aux avis de l'esprit doit être surmonté hardiment. La qualité dont il faut témoigner en cette situation, c'est la présence d'esprit et c'est aussi la qualité qu'il s'agit, dans cette phase de l'évolution, de porter à la perfection. Tout ce qui conduisait à penser ou agir par habitude, par réflexe, disparaît. Pour ne pas se sentir paralysé, il faut ne pas se perdre soi-même, car il ne vous reste plus de point ferme qu'en vous-même. Nul de ceux qui lisent ces lignes sans être familiarisé avec ces sujets ne doit se laisser rebuter par cette épreuve d'être ainsi rejeté sur soi-même. Car celui qui la subit avec succès connaît alors un profond bonheur.

Ici, tout autant que dans les autres cas, la vie ordinaire est déjà pour bien des hommes une discipline occulte. Pour ceux qui, dans la vie, sont devenus capables de prendre sans hésiter une prompte décision en face de situations survenant à l'improviste, l'existence est déjà une école. Les situations les plus favorables sont celles où il est impossible de s'en sortir si l'on ne se décide pas sur-le-champ. Si, dans un cas où une minute d'hésitation causerait un malheur, vous êtes à même de vous décider immédiatement, et si cette rapidité de décision est devenue partie intégrante de votre être, vous avez déjà inconsciemment acquis la maturité nécessaire à la troisième épreuve, car celle-ci est destinée à perfectionner la présence d'esprit.

Elle est nommée dans les écoles d'occultisme: « l'épreuve de l'air », parce que le candidat se trouve privé aussi bien de l'appui solide des impulsions venues du dehors que de l'aide des perceptions spirituelles de formes, de couleurs, etc., acquises au cours de la préparation et de l'illumination. Il est réduit exclusivement à lui-même.

Si le disciple a satisfait à cette dernière épreuve, alors il possède le droit de pénétrer dans le « temple des connaissances supérieures ». Nous ne ferons qu'effleurer ce qu'il y aurait encore à dire ici. Ce qui attend le disciple est souvent représenté comme une sorte de « serment » qu'il doit prêter, un serment de ne pas « trahir » les enseignements secrets. Mais ces expressions « serment » et « trahison » ne sont nullement conformes à la réalité; elles peuvent même induire en erreur. Car il ne s'agit en aucune façon d'un serment au sens ordinaire du mot: c'est bien plutôt une expérience qui s'attache à cette étape du développement. On apprend comment mettre en pratique au service de l'humanité l'enseignement reçu. On commence seulement alors à comprendre le vrai sens de l'univers. Il ne s'agit pas de taire les vérités supérieures, mais bien plutôt de savoir comment les défendre avec tout le tact nécessaire. Savoir ce qu'il faut « taire », c'est quelque chose de tout différent. On acquiert cette qualité remarquable tout particulièrement à l'égard de sujets dont on parlait auparavant et surtout de la manière dont on en parlait. Il serait un mauvais initié, celui qui ne mettrait pas ses connaissances occultes au service de l'humanité dans la plus large mesure possible. En ce domaine, il n'y a d'autre obstacle aux communications que l'on peut faire que l'incompréhension de celui auquel on s'adresse. Assurément les mystères supérieurs ne sont pas là pour servir de thème à n'importe quel discours, mais il n'est pas « défendu » de parler à celui qui s'est élevé à ce degré d'évolution. Aucun homme, aucun être ne lui impose dans ce sens un serment. Tout est remis à son sens des responsabilités; ce qu'il apprend, c'est à trouver en toute situation uniquement par lui-même ce qu'il doit faire, et le mot de « serment » signifie simplement qu'il a atteint la maturité nécessaire pour porter cette responsabilité.

Si le candidat acquiert cette maturité, il reçoit ce qu'on appelle symboliquement la « boisson d'oubli », c'est-à-dire qu'il possède le secret d'agir sans se laisser à tout instant troubler par la mémoire inférieure. C'est indispensable à l'initié, car il doit toujours avoir pleine confiance en le présent immédiat. Il doit pouvoir déchirer le voile du souvenir qui s'interpose entre l'homme et les faits à chaque instant de la vie. Si je juge ce qui se présente à moi aujourd'hui d'après mes expériences d'hier, je m'expose à des erreurs multiples. Naturellement cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer à l'expérience que la vie vous a donnée. Il faut s'en servir de son mieux. Mais en tant qu'initié, on doit pouvoir juger par soi-même chaque nouvel événement, et le laisser agir librement sur l'esprit, sans se laisser troubler par les souvenirs du passé. Il faut qu'à chaque instant, je sois prêt à ce qu'une chose ou un être puisse m'apporter une révélation entièrement neuve. Si j'évalue le nouveau d'après l'ancien, je suis sujet à l'erreur. Toutefois, le souvenir des expériences anciennes m'est d'une extrême utilité, car il me permet de voir le nouveau. Si je n'avais pas déjà une certaine expérience des choses, il est probable que certaines qualités d'un objet ou d'un être qui se présentent à moi m'échapperaient entièrement. L'expérience doit précisément servir à voir le nouveau, mais non à le juger d'après l'ancien. L'initié acquiert à cet égard des facultés très précises qui lui révèlent bien des choses restant entièrement cachées au non-initié.

La seconde boisson qui s'offre à l'initié est la « boisson du souvenir ». Grâce à elle, il lui devient possible d'avoir toujours présentes à l'esprit les vérités supérieures. La mémoire ordinaire n'y suffirait pas. Il faut « devenir un » avec ces vérités. Il ne suffit pas de les connaître, elles doivent s'intégrer tout naturellement à l'action vivante comme la nourriture ou la boisson à la vie physique. Elles doivent devenir exercice, habitude, penchant. Il ne doit plus être nécessaire d'y réfléchir dans le sens ordinaire du mot. Elles doivent s'exprimer par ce qui est l'homme lui-même, se répandre en lui et devenir comme les fonctions vitales de son organisme. Ainsi réalise-t-il toujours plus spirituellement l'objectif pour lequel la nature l'a physiquement construit.




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