QUESTIONS PREALABLES
LES
MONDES SUPÉRIEURS DONT ON PARLE EXISTENT-ILS VRAIMENT ?
Se
demander si l'esprit existe, c'est déjà lui faire
une place dans sa pensée.
Reste
à savoir si l'on ressent cette place comme un vide ou comme
une plénitude, c'est-à-dire un réel, —
bien sûr un réel autre que celui qui physiquement
nous entoure, mais réel.
En
ce dernier cas, l'admettre pose une question de foi ... Une
question de mots également. Car l'athée qui ne croit
pas dans le Dieu des traditions peut croire à un système,
à une idéologie, par exemple au progrès indéfini
de l'humanité. En cela il est un homme de ferveur, un croyant
qui a simplement changé l'objet de sa foi.
Au
fond, chacun complète à sa manière un monde
physique qui ne nous suffit pas parce qu'il n'explique ni ce qu'il
est, ni qui nous sommes. Ce complément supraphysique est fait
de tout ce qui manque ici-bas mais que nous sommes capables de
concevoir, de désirer et même d'aimer le plus chèrement
au monde. Au terme de la quête toujours entreprise par
l'Homme pour se connaître et mieux se réaliser, quand le
seuil du monde sensible est franchi, alors commencent les
« mondes supérieurs ».
A
QUOI SERT LA CONNAISSANCE DES MONDES SUPÉRIEURS ?
Elle
sert à vivre plus pleinement dans les réalités
du monde physique.
Il
n'est pas besoin de s'évader de cette terre pour connaître
l'esprit. Une connaissance intégrale de l'Homme
sur terre exige l'alliance de l'esprit et du corps. Il en est de même
pour la connaissance du monde. Car, si l'on étudie les
harmonies spirituelles, on découvre que les lois
auxquelles elles obéissent donnent au monde de la
matière, formes, structures, rythmes et fonctions. Connaître
les unes fournit la clé des autres. La table des
correspondances apparaît. Une science qui ne cerne que la
matérialité des phénomènes est forcée
d'inventer le hasard pour couvrir son refus des causes; elle se
frustre de l'essentiel.
Une
nouvelle
« science de l'esprit »
est née qui veut appliquer la rigueur des méthodes
scientifiques à l'étude des phénomènes
suprasensibles, au moyen d'organes et d'expériences de nature
également suprasensible. Dans les laboratoires où cette
recherche est poursuivie, les résultats obtenus sont reconnus en
science pure et en applications pratiques, telles que la
médecine, l'agriculture. Elle ne s'arrête pas à
la guérison des sols et des organismes. Par exemple, elle inspire un
« art de l'éducation »
qui aide l'enfant à trouver sa place dans un univers dont il
découvre les dimensions multiples, — une
« science de l'âme »
qui apprend aux désemparés
à récupérer leur énergie créatrice,
aux marginaux à découvrir, dans de nouvelles relations
sociales, une identité fraternelle d'aspiration avec
leurs semblables.
La
connaissance de l'esprit se révèle en tous domaines
féconde pour la vie de l'homme sur terre.
SI
LE MONDE DE L'ESPRIT EXISTE, COMMENT ÉTABLIR LE CONTACT AVEC
LUI ?
Une
parcelle divine de ce réel supraphysique est enfouie dans les
profondeurs de l'être humain. Elle attend, sans que nous ayons
conscience de sa présence muette, d'être extraite à
l'heure voulue par la libre décision de l'individu, pour
devenir organe de connaissance suprasensible. Elle peut stagner au
fond de l'inconscient comme une rumeur sourde, un appel
étranglé, et nous pouvons rester longtemps à la
surface de nous-même sans ressentir autre chose qu'une
inquiétude sans cause, un désarroi sans raison. Mais un
jour vient où cette parcelle divine veut être reconnue
pour ce qu'elle est, — l'essentiel. Elle ne se contente
plus d'approches infructueuses et — si les conditions
sont alors favorables, — elle affleure à la
conscience et en raison même de son essence surnaturelle
elle peut se muer en instrument de connaissance. Comme l'œil
est rendu transparent par la lumière et pour la lumière,
comme l'oreille est modelée en forme de conque par le son et
pour le son, c'est la parcelle divine issue de l'esprit qui rend
l'être humain conscient que l'esprit vit en lui et dans le
monde. Une œuvre de libération est alors entreprise pour
enrichir cette tendance en puissance, l'épanouir. Cette
entreprise est précisément celle que décrit
le petit livre qu'on vient d'ouvrir.
ÉCRIT
AU DÉBUT DE CE SIÈCLE, CE LIVRE EST-IL ENCORE VALABLE A
NOTRE ÉPOQUE ?
Ce
qui résulte d'une vision authentique des faits ne tombe jamais en
désuétude. L'entraînement décrit ici est une base
fondamentale à laquelle l'auteur s'est référé
tout le reste de sa vie. Certes il l'a reprise sous des formes
diverses, apportant un complément indispensable à
qui veut apprécier l'œuvre dans son ensemble. Ce livre
n'en reste pas moins la substructure de toute l'anthroposophie
(sagesse consciente de l'homme) qui s'est édifiée
par la suite. De même l'entraînement qu'il décrit,
avec les implications morales sur lesquelles il insiste, demeure pour
l'auteur la condition sine qua non d'une juste approche de
l'esprit.
A
mesure que le lecteur approfondira l'œuvre de Rudolf Steiner,
il remarquera que le vocabulaire employé ici a été
abandonné par la suite. La raison en est simple: ce livre fut
écrit à l'époque où l'auteur, dans les
débuts de son enseignement, répondait à l'appel des
« théosophes »
imprégnés
de culture orientale. Rudolf Steiner a donc traduit ses propres
visions en des termes qui étaient familiers à ce public
afin de mieux se faire comprendre de lui. De là vient par
exemple l'expression
« fleur de lotus »
pour désigner les centres d'activité des corps
suprasensibles. La traduction française a naturellement
respecté ces expressions malgré leur orientalisme
auquel l'auteur renonça par la suite. Non pas qu'il se
soit jamais distancé de la Sagesse orientale qui est la mère
irréfutable de la plus haute tradition rattachant
l'humanité à ses origines célestes; mais parce
que lui-même devait inaugurer la
« nouvelle initiation »
qui doit dorénavant partir directement de l'homme lui-même,
— cet homme qui fait l'apprentissage d'un Moi libre
imprégné du modèle que le Christ a introduit dans
l'évolution au tournant de notre ère.
Un
même souci de fidélité au style de l'auteur nous
a fait rejeter une modernisation abusive du langage qui aurait pu
créer des équivoques. La langue évolue vite, les
mots changent de sens, mais ces glissements se font sous la pression
de nouveautés qui font irruption dans nos mœurs et
bouleversent nos mentalités: technique, sport, voiture, avion,
transports ... Ce modernisme aurait affublé le texte d'un
vêtement pas à sa mesure. Nous avons préféré
réviser soigneusement la traduction existante pour que
transparaisse autant que faire se peut un texte qui nous paraît
devoir rester un
« classique »
du développement spirituel.
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