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L'Initiation

L'Initiation: Deuxieme Partie: La Vie et La Mort Le Grand Gardien du Seuil

On-line since: 17th July, 2006

LA VIE ET LA MORT
LE GRAND GARDIEN DU SEUIL

On vient de décrire quelle importance avait la rencontre avec celui que nous avons appelé le « petit » gardien du seuil, car cette rencontre fait prendre conscience d'un être suprasensible qu'on a pour ainsi dire soi-même créé. Le corps de cet être est le résultat de nos propres actions, sentiments et pensées dont les conséquences auparavant étaient invisibles. Or ces forces invisibles sont devenues les causes déterminantes de notre destinée, de notre caractère. L'homme comprend, à ce moment, que dans son passé, il a lui-même posé les bases de son présent. De ce fait, son être se trouve, jusqu'à un certain degré, manifeste à ses regards. Par exemple, il a contracté des tendances, des habitudes; il en voit maintenant la cause. Certains coups du destin l'ont frappé; il en saisit l'origine. Il se rend compte de ce qui le porte à aimer ceci ou haïr cela, pourquoi ceci le rend heureux, et cela malheureux. L'aspect visible de la vie lui devient compréhensible, grâce aux causes invisibles, et il n'est pas jusqu'aux grands événements de l'existence, tels que la maladie et la santé, la mort et la naissance qui ne se dévoilent à son regard. Il constate qu'il a lui-même tissé, avant sa naissance, tout un réseau de causes qui devaient nécessairement le ramener à l'existence. Il discerne en lui l'entité qui dans le monde visible est encore de nature imparfaite, mais qui pourtant ne saurait acquérir sa perfection que par son passage en ce monde. Car dans nul autre monde ne se trouve l'occasion d'édifier cette entité humaine. Enfin, il voit que, pour le moment, la mort ne peut pas le séparer à tout jamais de la terre. Car il doit se dire : « Jadis, je vins pour la première fois en ce monde, car j'étais un être qui avait impérieusement besoin d'y vivre pour acquérir des qualités qu'il n'aurait pu acquérir nulle part ailleurs. Et je demeurerai lié au monde terrestre jusqu'à ce que j'aie fait mûrir en moi tout ce que j'y puis glaner. Je ne pourrai collaborer un jour efficacement à l'œuvre qui s'accomplit dans un autre monde qu'après en avoir acquis la faculté dans le monde visible aux sens. »

Une des plus importantes expériences que puisse faire l'initié, c'est justement d'apprendre à mieux connaître, mieux apprécier la nature visible aux sens qu'il ne le faisait avant de suivre l'entraînement spirituel. Il le doit au regard qu'il plonge dans le monde suprasensible. Celui qui n'a pas acquis ce regard se contentera peut-être de sentir vaguement que les réalités suprasensibles sont infiniment plus valables que celles du monde sensible, ce qui l'amènerait à sous-estimer celui-ci. Mais qui a pratiqué ce regard sait que s'il n'avait pas ce que lui apporte le monde visible, il serait sans force dans le monde invisible. Pour vivre dans l'invisible, des facultés et des organes lui sont indispensables qui ne peuvent être acquis que sur terre. Il faut qu'il apprenne à voir en esprit pour prendre conscience du monde invisible. Or cette force de vision dans un monde « supérieur » se crée peu à peu au contact des réalités dites « inférieures ». Il est tout aussi impossible de naître au monde de l'esprit avec les yeux de l'esprit si on ne les a pas développés dans le monde sensible, qu'il est impossible à l'enfant nouveauné de naître avec des yeux physiques, si ceux-ci n'ont pas été formés dans le sein de sa mère.

D'un tel point de vue, on comprendra pourquoi le seuil du monde suprasensible doit être défendu par un « gardien ». Personne ne peut être admis à plonger les regards dans ces régions avant d'être suffisamment équipé. C'est pourquoi, à chaque mort, lorsque l'homme, encore incapable d'agir dans un autre monde, y pénètre pourtant, un voile l'empêche d'y participer. Il ne devra le contempler qu'après avoir acquis la maturité nécessaire.

Si l'étudiant en occultisme pénètre consciemment dans le monde suprasensible, la vie prend pour lui une signification toute nouvelle. Il voit dans le sensible le terrain propice aux semences du monde supérieur et même, en un certain sens, ce monde « supérieur » lui semble incomplet sans le monde « inférieur ». Deux perspectives s'ouvrent à lui : l'une donne sur le passé; l'autre sur l'avenir. Son regard plonge dans un passé où le monde sensible n'existait pas encore, car depuis longtemps il est au-dessus du préjugé d'après lequel le monde suprasensible se serait développé à partir du monde sensible. Il sait que le monde suprasensible est à l'origine du sensible. Il voit qu'il a lui-même appartenu à ce monde suprasensible, avant de s'être incarné pour la première fois. Mais il voit en même temps que ce monde suprasensible primitif a eu besoin de passer par une phase sensible. Sans ce passage, il n'aurait pas pu continuer à évoluer. Ce n'est, en effet, que lorsque des êtres se seront développés dans la sphère sensible et qu'ils y auront acquis toutes les facultés s'y rapportant, que le monde suprasensible pourra reprendre sa marche ascendante sur la route de l'évolution. Or ces êtres, ce sont les humains. Ces humains ne sont donc, dans leur vie actuelle, que l'aboutissement d'un stade imparfait de l'évolution spirituelle, et leur but doit être d'atteindre, à travers ces conditions, la perfection qui leur permettra de servir à faire progresser les mondes supérieurs. C'est ici que s'ouvre la perspective sur l'avenir. Elle annonce un stade plus élevé du monde suprasensible. A ce niveau, les fruits du monde sensible atteindront leur maturité. Ce monde sensible, en tant que tel, sera dépassé, et les résultats de son labeur seront incorporés à une sphère plus haute.

Cette vue fait comprendre ce que signifient la maladie et la mort dans le monde sensible. La mort exprime simplement qu'un temps vint, dans l'évolution, où le monde suprasensible originel en était arrivé au point de ne plus pouvoir progresser par lui-même. Il aurait été nécessairement frappé d'anéantissement général s'il n'avait reçu un nouvel influx de vie. Cette vie nouvelle est apparue comme une lutte contre l'anéantissement universel. Sur les ruines d'un univers moribond, sclérosé, sont apparus les germes d'une existence nouvelle. C'est pourquoi nous connaissons et la mort et la vie. Ces deux états se sont lentement mêlés; car les éléments périssants qui restent de l'ancien monde s'accrochent encore aux germes de vie nouvelle qui sont sortis d'eux. Cette dualité trouve son expression la plus nette en l'homme. Il porte comme une gaine ce qui lui vient de l'ancien univers et dans cette gaine germe l'être de l'avenir. Il est ainsi une entité double, à la fois mortelle et immortelle. L'élément mortel est à son stade final d'évolution, l'élément immortel à son stade initial. Et l'homme acquiert seulement au sein de ce monde double, qui s'exprime dans le physique, les facultés nécessaires pour réaliser l'immortalité. Car c'est bien là sa mission : de ce qui est mortel tirer des fruits immortels. S'il considère son essence telle qu'il l'a construite dans le passé, il doit se dire : « Mon être renferme des éléments qui viennent d'un univers mourant, ils travaillent en moi et je ne pourrai que progressivement briser leur puissance grâce aux éléments immortels qui naissent à la vie. » L'homme suit donc une route qui procède de la mort à la vie. Si, à l'heure de sa mort, il pouvait se parler consciemment à lui-même, il devrait se dire : « Ce qui meurt en moi fut mon instructeur. Je péris par l'action de tout un passé dans lequel je suis impliqué, mais ce champ de la mort a fait croître pour moi les germes de l'immortalité. Je les emporte avec moi dans un autre monde. Si je ne dépendais que du passé, je n'aurais même jamais pu naître. La vie du passé s'achève à la naissance. Par les nouveaux germes de vie, la vie sensible est soustraite à l'anéantissement universel. Le temps qui sépare la naissance de la mort n'exprime que la part conquise par le nouvel influx de vie sur le passé qui meurt; quant à la maladie, elle n'est que le prolongement de l'action de la partie de ce passé qui va vers la mort. »

A la lumière de ces connaissances, il est possible de répondre à ceux qui se demandent pourquoi l'homme ne peut s'élever que lentement de l'erreur à la vérité et de l'imperfection au bien. Ses actions, ses sentiments et ses pensées sont d'abord entièrement commandés par les forces qui vont vers la mort. Ce sont elles qui façonnent ses organes physiques et c'est pourquoi ces organes, ainsi que tout leur fonctionnement, sont voués à périr. Ni les instincts, ni les pressions, ni les organes qui leur obéissent ne peuvent composer l'être immortel, mais seule l'œuvre accomplie par ces organes peut prétendre à l'immortalité. Quand l'homme aura extrait de sa nature de mort tout ce qu'il est en mesure d'en tirer, seulement alors il pourra renoncer aux bases sur lesquelles il s'appuie dans le monde physique sensible.

Ainsi le premier « gardien du seuil » représente l'image de l'homme dans sa double nature, mêlée de périssable et d'impérissable. Grâce à lui, on voit clairement tout ce qui manque encore à l'homme pour parvenir à cette forme de lumière radieuse qui pourra de nouveau habiter le pur monde spirituel.

Le « gardien du seuil » révèle également à l'homme son degré d'implication dans la nature physique. Cette compromission avec la vie sensible s'exprime d'abord par les instincts, les désirs avides et personnels sous toutes les formes de l'égoïsme. Elle se manifeste ensuite par l'assujettissement à un peuple, à une race; car les peuples et les races ne sont encore que différentes étapes sur le chemin de la pure humanité. Une race et un peuple sont d'autant plus élevés, plus accomplis, que leurs membres réalisent mieux le type pur et idéal d'humanité et qu'ils ont dégagé, de la nature physique périssable, les éléments immortels. L'évolution de l'être humain, passant à travers les réincarnations dans des peuples et dans des races sans cesse plus avancés, est donc un processus de libération au bout duquel l'homme doit apparaître dans son harmonieuse perfection.

Dans un sens analogue, le passage à travers des conceptions religieuses ou morales toujours plus pures est un perfectionnement. Car à chaque étape du progrès moral, on trouve encore un faible pour ce qui est périssable à côté de l'idéal des germes d'avenir.

Le premier « gardien du seuil » n'a encore fait connaître que les conséquences des périodes écoulées. Il ne donne au sujet de l'avenir que les indications qu'on peut tirer du passé. Mais l'homme doit introduire dans l'univers spirituel à venir tout ce qu'il lui est possible d'extraire du monde sensible. S'il ne voulait y introduire que ce qui a été tiré du passé dans la contre-image que lui offre le premier « gardien », il n'aurait rempli que partiellement sa tâche terrestre. C'est pourquoi quelque temps après le « petit gardien du seuil » apparaît le second, celui que nous avons appelé le « grand gardien du seuil ». De nouveau cette rencontre doit être décrite sous forme narrative.

Dès que l'homme a reconnu les entraves dont il doit se libérer, il voit apparaître sur sa route une sublime forme de lumière. Les mots ne sauraient en décrire la beauté. Cette rencontre a lieu lorsque les organes de la pensée, du sentiment et de la volonté sont devenus suffisamment indépendants, jusque dans le corps physique, pour que leurs relations réciproques ne soient plus instinctives, mais uniquement dirigées par la conscience supérieure, qui s'est maintenant totalement affranchie de toutes les contingences physiques. Ces centres de la pensée, du sentiment et de la volonté sont devenus des instruments au pouvoir de l'âme humaine qui les dirige depuis les sphères suprasensibles. A cet être libéré de tous les liens sensibles apparaît le deuxième « gardien du seuil ». Il lui parle en ces termes :

« Tu t'es dégagé du monde des sens. Tu as conquis ton droit de cité dans l'univers suprasensible. C'est d'après lui que tu agiras désormais. Pour ton propre compte tu n'as plus besoin d'un corps physique sous la forme actuelle. Si tu n'avais plus d'autre volonté que de séjourner ici, tu n'aurais plus besoin de retourner dans le monde sensible. Mais regarde-moi; vois combien je suis encore infiniment au-dessus de ce que tu as pu faire de toi jusqu'à présent. Tu es parvenu à ton point de perfection actuelle, grâce aux facultés que tu as pu développer dans le monde sensible aussi longtemps que ce fut encore nécessaire. Mais maintenant une phase commence pour toi dans laquelle, avec des forces libérées, tu vas poursuivre ton travail dans le monde des sens. Jusqu'à présent, tu n'as songé qu'à te sauver toi-même ; tu dois maintenant délivrer tes compagnons qui sont dans le monde sensible. Tes efforts ont été purement personnels ; incorpore-toi dorénavant à l'ensemble des humains, afin d'introduire dans les sphères suprasensibles non seulement toi-même, mais les autres. Le jour viendra où tu pourras t'unir à mon être; mais je ne puis connaître le bonheur céleste tant qu'il y a des malheureux ! Personnellement libéré, tu voudrais dès aujourd'hui entrer pour toujours dans les sphères suprasensibles; tu serais obligé de voir au-dessous de toi ceux qui ne sont pas encore délivrés et tu aurais séparé ta destinée de la leur. Or, vous êtes tous solidaires. La même loi vous oblige tous à descendre dans le monde sensible pour y puiser les forces nécessaires à votre progrès. Si tu abandonnais tes frères en humanité, tu ferais un mauvais usage des forces que tu n'as pu cultiver que dans leur communauté. S'ils n'étaient pas descendus eux aussi dans le monde sensible, tu n'aurais pu le faire non plus et les forces t'auraient manqué pour t'élever à l'existence suprasensible. Tu dois partager avec eux ces forces acquises avec eux. C'est pourquoi je ne te laisserai pas pénétrer dans les régions les plus hautes du monde suprasensible avant que tu n'aies utilisé pour sauver tes semblables toutes les forces que tu as conquises sur terre. Avec ce que tu possèdes déjà, tu peux te maintenir dans les régions inférieures du monde suprasensible, mais devant la porte des plus hautes régions, je me tiens « comme le chérubin devant le Paradis, l'épée de feu à la main », et je t'en interdis l'accès tant que tu n'as pas employé toutes les forces qui te restent pour le salut du monde sensible. Si tu ne veux pas les lui donner, d'autres viendront qui s'en serviront. Le monde suprasensible supérieur cueillera les fruits du monde sensible; quant à toi, le terrain sur lequel ton être a poussé se dérobera sous tes pas. L'univers purifié te dépassera et te submergera dans une ascension dont tu seras exclu. Ton sentier sera le sentier noir et ceux dont tu te seras retranché suivront le sentier blanc. »

Tel se révèle le « grand gardien du seuil » bientôt après la rencontre de l'âme avec le premier veilleur. Il fait connaître exactement à l'initié ce qui l'attend s'il cède prématurément à l'attrait d'un séjour dans le monde suprasensible. Une indescriptible splendeur émane de ce second gardien. S'unir à lui apparaît comme un but lointain à l'âme qui le contemple. Mais l'initié a pourtant la certitude que cette union ne sera possible que s'il consacre à la libération et à la rédemption du monde sensible toutes les forces qu'il a abondamment reçues de ce monde. S'il se décide à obéir à cet être de lumière, il contribuera à la délivrance du genre humain et sacrifiera ses dons sur l'autel de l'humanité. S'il préfère au contraire s'élever personnellement dans le monde supérieur avant le temps fixé, il sera balayé par le courant de l'évolution humaine. Après sa délivrance, il ne pourra pas tirer du monde sensible des forces nouvelles. Tandis que, s'il lui offre son labeur, il le fera en renonçant à retirer de son travail à venir tout profit personnel. Certes on ne saurait dire que, placé devant cette alternative, l'homme doive, de toute évidence, opter pour le sentier blanc. Il dépendra de son degré de purification que nul égoïsme ne le fasse succomber à la tentation d'assurer son propre bonheur céleste. Cette tentation est la plus grande qui se puisse imaginer, car l'autre côté ne présente rien de très séduisant. Ici, rien ne parle à l'égoïsme. Ce que l'homme acquerra, s'il poursuit son évolution vers les régions encore plus hautes du monde suprasensible, ce ne sera pas un élément venant à lui, mais sortant de lui : l'amour de ses frères. Tandis que tout ce que peut souhaiter l'égoïsme ira vers celui qui s'engage sur le sentier noir. Bien plus : les jouissances que l'on y rencontre sont justement la satisfaction la plus parfaite de l'égoïsme. Si quelqu'un désire la félicité pour lui tout seul, il choisira à coup sûr le sentier noir qui est bien fait pour lui.

Que nul n'attende donc des occultistes du sentier blanc le moindre conseil favorable au développement égoïste de son moi personnel. Ils n'ont aucun intérêt pour des béatitudes particulières. Les initiés blancs n'ont pas pour mission de servir des buts privés. Les recherche qui voudra. La seule chose qui leur tienne à cœur, c'est l'évolution et la délivrance de tous les êtres que sont les hommes et leurs compagnons. C'est uniquement pour la réalisation de cette œuvre collective qu'ils enseignent le moyen de développer les forces individuelles qui peuvent y contribuer. Le don désintéressé de soi-même et l'amour du sacrifice l'emportent donc à leurs yeux sur toutes les autres qualités. Ils ne repoussent personne, car l'être le plus égoïste est capable de se transformer. Mais quiconque ne poursuit que des buts personnels ne trouvera pas le moindre appui auprès des occultistes véritables tant qu'il aura cet état d'esprit. Alors même que ceux-ci ne lui refuseraient pas leur secours, l'égoïste se retirerait à lui-même la possibilité d'en profiter. Celui qui suit réellement les indications des vrais Maîtres de la sagesse comprendra par conséquent, après avoir franchi le seuil, ce qu'exige le grand gardien; mais celui qui ne suivra pas les Maîtres ne doit même pas espérer être jamais aidé par eux à franchir le seuil. Leur enseignement conduit au bien, sinon il ne mène à rien. Guider les hommes vers une félicité égoïste, ou même simplement vers la vie suprasensible, ne fait point partie de leur mission. Les buts qui depuis l'origine ont été assignés à cette mission leur enjoignent de tenir le disciple éloigné du monde supraterrestre jusqu'à ce qu'il y entre avec la volonté de collaborer avec abnégation à l'œuvre commune.




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