DEUXIEME PARTIE
DE QUELQUES EFFETS DE L'INITIATION
Un
des principes d'une science ésotérique véritable,
c'est que celui qui s'y consacre le fasse en pleine conscience. Il ne
doit rien entreprendre, rien pratiquer, sans savoir quels en seront
les effets. Un occultiste qui donne un conseil ou une indication fera
toujours connaître en même temps ce qui en résultera
pour le corps, l'âme ou l'esprit de celui qui recherche la
connaissance supérieure.
Il
ne va être décrit ici que quelques-uns des effets
produits par la discipline sur l'âme du disciple qui la
pratique. Celui-là seul qui aura reçu ces informations
pourra accomplir en pleine conscience les exercices qui conduisent à
la connaissance suprasensible et devenir un véritable
occultiste. Celui-ci ne doit jamais tâtonner dans l'obscurité.
Si l'on ne peut pas accomplir son apprentissage les yeux
ouverts, on peut bien devenir un médium, mais pas un
clairvoyant au sens de la science spirituelle.
Celui
qui met en pratique les exercices indiqués dans les chapitres
sur l'acquisition des connaissances suprasensibles, provoque tout
d'abord certains changements dans son organisme psychique. Cet
organisme n'est perceptible qu'au clairvoyant. On peut le comparer à
un nuage d'une luminosité spirituelle et psychique plus ou
moins grande au centre duquel se trouve le corps physique
(Note 7 : On en trouvera aussi une
description dans le livre du même auteur :
« Théosophie, une introduction à la connaissance
suprasensible du monde et de la destinée. »)
Dans
cet organisme psychique, la vision spirituelle voit se dérouler
les instincts, désirs, passions, représentations,
etc. Par exemple, le désir sensuel y est ressenti comme un
rayonnement d'un rouge sombre et d'une forme caractéristique.
Une pensée noble et pure s'exprime par une sorte d'émanation
d'un violet-rouge. Le concept rigoureux d'un logicien produit la
sensation d'une forme jaune aux contours nettement dessinés.
La pensée confuse issue d'un cerveau nébuleux présente
au contraire des formes indécises. Les pensées des
hommes obéissant à des partis pris, butés,
bornés, ont un dessin dur, raide, et comme figé. Au
contraire, celles des personnes qui s'ouvrent facilement à
l'opinion d'autrui apparaissent en contours mobiles et changeants, et
ainsi de suite
(Note 8 : Dans
toutes les descriptions qui suivent, il faut bien se rappeler que
lorsqu'on parle de
« voir »
une couleur, c'est d'une
vision spirituelle qu'il s'agit. Quand le clairvoyant dit :
« Je vois du rouge »
— cela signifie :
« Je ressens en mon esprit et en mon âme quelque chose
qui a la même valeur que ce que j'éprouve dans mon sens
physique sous l'impression du rouge. »
C'est seulement par analogie que tout naturellement le clairvoyant dit :
« Je vois du rouge. »).
Plus
on travaille au progrès de son âme, et plus l'organisme
psychique prend une structure ordonnée. Elle est confuse et
inorganique chez l'homme dont la vie intérieure n'est pas
développée. Mais, même dans un organisme
psychique sans structure, le clairvoyant peut percevoir un système
organisé qui tranche nettement sur l'entourage. Ce
système s'étend de l'intérieur de la tête
jusqu'au milieu du corps physique. Il se comporte comme une sorte de
corps autonome, pourvu de certains organes. Ces organes qui vont être
décrits maintenant sont perçus spirituellement au
voisinage de certaines parties du corps physique : le premier, entre
les deux yeux. Le second dans la région du larynx. Le
troisième, dans celle du cœur. Le quatrième, près
du creux de l'estomac. Enfin le cinquième et le sixième
ont leur siège dans la région de l'abdomen. On les
appelle en langage occulte
« roues »
ou encore
« fleurs de lotus »,
en sanscrit
« chakram ».
En effet, ils ressemblent à des roues ou à des fleurs.
Mais il faut naturellement bien se rendre compte que ces expressions
ne sont pas beaucoup plus précises que par exemple celle
qu'emploie l'anatomie en parlant des
« ailes des poumons »
(Note 9 : En allemand
« Lungenflügel ».
En français, on dit par exemple les
« ailes du nez »
(N.d.t.).)
En réalité, il ne s'agit pas
d'« ailes ».
Dans les deux cas, on n'a à faire qu'à des analogies.
Chez un individu fruste, ces
« fleurs de lotus »
sont de couleurs sombres, figées, inertes, tandis que, chez le
clairvoyant, elles sont en mouvement et de couleurs lumineuses. Chez
le médium, elles présentent un peu un aspect analogue,
mais pour des causes tout autres, que nous ne pouvons expliquer
ici.
Lorsqu'un
étudiant commence à pratiquer des exercices, le premier
effet qui se produise est que les
« fleurs de lotus »
s'éclairent; elles ne commenceront à tourner que plus
tard, et c'est alors seulement que poindra la faculté de
clairvoyance. Ces fleurs sont en effet les organes sensoriels de
l'âme et leur rotation correspond au fait qu'on a des
perceptions suprasensibles
(Note 10 : Il faut
appliquer à cette sensation de
« rotation »
les mêmes remarques que plus haut pour la
« vision des couleurs ».)
On
ne saurait contempler quoi que ce soit de suprasensible avant que les
sens astrals n'aient été formés de cette
manière.
L'organe
sensoriel de nature spirituelle qui se trouve au voisinage du larynx
permet de voir en esprit la manière de penser d'un
autre homme; il permet aussi de jeter un regard profond dans les
véritables lois qui sous-tendent les phénomènes
naturels. L'organe qui avoisine le cœur ouvre un sens
clairvoyant pour connaître l'état d'esprit d'autrui
; quiconque le développe peut aussi découvrir certaines
forces profondes chez les animaux ou chez les plantes. Par le
sens qui est situé près du creux de l'estomac, on
perçoit les facultés et les talents dont
sont doués les hommes; en outre, on découvre le rôle
que les animaux, les plantes, les pierres, les métaux, les
phénomènes atmosphériques, jouent dans
l'économie de la nature.
L'organe
voisin du larynx possède seize
« pétales »
ou
« rayons »;
celui de la région du cœur, douze; celui du creux de
l'estomac, dix.
Or,
au développement de ces organes suprasensibles se rattachent
certaines activités de l'âme. Et celui qui met en œuvre
avec méthode ces activités contribue à
l'éclosion de ces organes spirituels.
Dans la
« fleur à seize pétales »,
huit pétales ont déjà été formés
dans un passé très lointain, à une étape
antérieure de l'évolution. L'homme n'a pas pris une part
personnelle à cette formation. Il l'a reçue comme un don
naturel alors qu'il était encore dans un état de conscience
vague et voisin du rêve. A cette étape de l'évolution,
les huit premiers pétales étaient en activité.
Mais cette sorte d'activité n'était adaptée
précisément qu'à cet état de conscience
obscur. Lorsque la conscience humaine s'est éclairée,
les pétales se sont obscurcis et leur activité s'est
arrêtée. Quant aux huit autres pétales, c'est à
l'homme lui-même de les développer par des exercices
conscients. La fleur tout entière devient ainsi
lumineuse et mobile. Au développement de chacun des seize
pétales est liée l'acquisition de certaines qualités.
Mais, comme nous l'avons déjà dit, il n'y en a que huit
que l'homme puisse consciemment développer; les huit autres
apparaissent ensuite d'eux-mêmes.
Ce
développement se produit de la manière suivante : il
faut diriger toute son attention et tous ses soins vers certaines
activités de son âme auxquelles on ne prête
habituellement pas d'attention. Ces activités sont au
nombre de huit. Ce sont :
En
premier lieu, la manière d'acquérir ses
représentations. On a l'habitude en cela de
s'abandonner entièrement au hasard. D'après ce qu'on
entend ou ce qu'on voit, au petit bonheur, on se forge ses idées,
ses concepts. Aussi longtemps qu'on agit ainsi, la fleur à
seize pétales demeure inerte. Elle n'entre en activité
que lorsqu'on prend en main sa propre éducation en ce
sens. Pour ce faire, il faut veiller à ses représentations.
Chacune d'elles doit prendre de l'importance. Il faut y voir un
message précis, une information touchant les choses du monde
extérieur, et ne pas se contenter de représentations
qui n'auraient pas cette valeur. Toute l'activité conceptuelle
doit tendre à être un reflet fidèle du monde
extérieur et il faut bannir de l'âme les représentations
inexactes.
La
deuxième activité de l'âme est celle qui concerne
la manière de prendre ses décisions. On ne doit
se déterminer, même dans les petites choses, que d'après
des raisons sérieuses et bien fondées; on doit écarter
tout acte irréfléchi, toute action sans but. Il faut
avoir des motifs sérieux pour agir ou renoncer à ce qui
n'aurait pas de raisons valables.
La
troisième activité s'exprime dans la manière de
parler. Toute parole qui sort de vos lèvres doit avoir
sens et signification. Rien ne vous écarte autant de la voie
que la funeste habitude de parler pour parler. Il faut éviter
cette banalité de conversation qui consiste à effleurer
et mêler tous les sujets. Mais on ne doit pas pour autant se
couper de tout commerce avec ses semblables; c'est précisément
dans ces échanges qu'on apprend à donner du sens à
ses paroles. On parle et répond à tous, mais on le fait
en y pensant et en réfléchissant aux conséquences.
Jamais on ne dit quelque chose en l'air, ou s'applique à ne
dire ni trop ni trop peu.
La
quatrième activité de l'âme concerne la manière
d'ordonner ses actions extérieures, afin qu'elles
s'harmonisent avec l'ensemble du milieu et les actions des autres
hommes. L'étudiant en occultisme doit renoncer à ce qui
peut troubler les autres, entrer en contradiction avec ce qui se fait
autour de lui. Il s'efforce d'organiser sa vie de façon à
ce qu'elle s'accorde harmonieusement avec tout ce qui l'entoure.
Lorsqu'un motif extérieur le détermine à
agir, il doit examiner avec soin les moyens de réaliser le
mieux possible sa détermination. Lorsqu'il agit de lui-même,
il pèse avec le maximum de clarté les conséquences
de son comportement.
Le
cinquième point consiste dans l'organisation à
donner à la vie tout entière. L'étudiant essaie
de vivre conformément aux lois de la nature et de
l'esprit. Il évite également la hâte et
l'indolence. Entre la précipitation et la nonchalance, il
garde un juste milieu. Il voit la vie comme un moyen de travailler et
se comporte en conséquence. Le soin qu'il prend de sa santé,
les habitudes qu'il contracte, ont pour but de rendre cette vie
harmonieuse.
La
sixième activité concerne la manière de régler
l'effort humain. Le disciple examine consciencieusement ses
facultés, ses possibilités, et se comporte d'après
cette connaissance de lui-même. Il ne cherche pas à
exécuter ce qui est au-delà de ses forces; mais il ne
néglige rien non plus de ce qui est dans les limites de ses
moyens. D'autre part, il se fixe des buts qui font partie intégrante
de l'idéal et des devoirs supérieurs de l'être
humain. Il n'accepte pas de jouer dans la machine sociale le
rôle d'un rouage aveugle, mais il cherche à
comprendre quelles sont ses tâches et à voir plus haut
que la vie de tous les jours. Il s'efforce en cela de s'acquitter de
ses obligations d'une manière toujours meilleure, toujours
plus parfaite.
Par
la septième activité de son âme, il s'évertue
à profiter du mieux possible des leçons de la vie.
ien ne vient à lui sans lui apporter l'occasion
d'acquérir une expérience précieuse. S'il a agi
d'une manière injuste ou imparfaite, il sera porté à
redresser ses torts à une autre occasion. C'est dans le
même but qu'il regardera agir les autres; il essaiera de
s'amasser ainsi un précieux trésor d'expérience
pour en tirer conseil à l'avenir, et il ne fera rien sans se
référer aux expériences qui peuvent lui être
d'un secours quelconque pour ses décisions à
prendre et sa manière d'agir.
Enfin,
en huitième lieu, l'étudiant en occultisme doit de
temps à autre faire l'examen de son âme, se
plonger en lui-même, tenir conseil avec lui-même, établir
et examiner les principes qui dominent son existence, passer en revue
ses connaissances, peser ses devoirs, en un mot méditer
sur le sens et le but de son existence. Nous avons déjà
parlé de toutes ces choses dans ce qui précède;
nous n'y revenons ici qu'en fonction du développement de la
« fleur à seize pétales ».
Véracité, droiture, loyauté, sont des forces
constructives; mensonge invétéré, fausseté,
déloyauté, sont des forces destructives qui entravent en
particulier l'éclosion de la fleur à seize pétales. Le
disciple doit savoir en ce domaine que ce n'est pas seulement la
« bonne intention »
qui compte, mais le fait, la réalité.
Si je pense ou si je dis quelque chose qui ne corresponde pas à
la réalité, je détruis un des éléments
de mes organes spirituels, si excellente que puisse d'ailleurs
me sembler mon intention. Il en va comme de l'enfant qui se
brûle s'il touche au feu, alors même qu'il n'agit que par
ignorance.
Lorsqu'on
stimule ces activités de l'âme de la façon que
nous venons de décrire, la
« fleur à seize pétales »
commence à rayonner de couleurs
merveilleuses et à prendre une allure régulière.
Toutefois, remarquons ici que le don de clairvoyance ne peut
apparaître avant que la formation de l'âme n'ait
atteint un certain niveau. Tant que cela coûte encore
d'orienter sa vie dans cette direction, ce don n'apparaît pas.
Tant que les activités qui viennent d'être décrites
réclament une vigilance particulière, on n'est pas mûr
pour la perception spirituelle. Il faut en être arrivé
au point de vivre de cette manière aussi spontanément
que l'homme ordinaire vit suivant ses habitudes, pour que se
manifestent les premiers rudiments de la clairvoyance. Il faut
trouver toute naturelle cette façon de vivre, et qu'elle ne
coûte plus d'effort. On ne doit pas avoir besoin de se
reprendre et de se stimuler constamment pour agir comme il convient;
cette nouvelle manière d'être doit devenir une habitude.
Il
existe des sortes de
« recettes »
pour développer d'une autre manière la
« fleur à seize pétales ».
Mais la véritable science occulte les rejette, car
elles ont le fâcheux résultat de ruiner la santé
du corps et d'abolir le sens moral. Elles sont peut-être plus
faciles à mettre en pratique que les indications données
ci-dessus dont l'observation parfois astreignante demande des
efforts; mais celles-ci conduisent sûrement au but et
fortifient moralement.
La
formation anormale d'une
« fleur de lotus »
a pour conséquence d'engendrer non seulement des illusions et des
phantasmes au cas où apparaît une certaine
clairvoyance, mais encore toutes sortes de troubles dans la vie
ordinaire. Elle peut rendre susceptible, envieux, arrogant, vaniteux,
égoïste, même si l'on n'avait auparavant aucun de
ces défauts. Comme on l'a dit, huit des pétales de la
« fleur à seize pétales »
ont déjà
été formés dans un passé lointain et ils
se remettent d'eux-mêmes en mouvement au cours de la discipline
occulte. Les efforts que l'on fait doivent donc se concentrer sur les
huit autres pétales. Si l'entraînement est mal
pratiqué, les pétales développés
dans le passé se remettent facilement en action, et ceux qui
devraient être formés demeurent inertes. C'est le
cas notamment lorsqu'on ne fortifie pas assez la pensée
logique et le bon sens au cours de l'entraînement. Il est de la
plus grande importance que l'étudiant en occultisme ait une
pensée ouverte et claire et non moins important que cette
clarté se reflète dans ce qu'il dit. Ceux qui
commencent à entrevoir quelque lueur des mondes suprasensibles
bavardent volontiers sur ces sujets. Ils entravent par là leur
évolution normale. Moins on en parle et mieux cela vaut. Celui
qui est parvenu à un certain degré de clarté
devrait seul avoir le droit d'en parler.
Au
début de l'enseignement, les étudiants sont
généralement étonnés de voir que les
récits qu'ils font de leurs expériences n'éveillent
guère la curiosité de ceux qui ont déjà
une formation spirituelle. Le plus sain pour eux serait certainement
de garder le silence sur ce qu'ils ont ressenti et de parler
uniquement de la difficulté ou de la facilité qu'ils
éprouvent à pratiquer des exercices et des règles
de conduite. Car pour juger de leurs progrès celui qui a déjà
une formation spirituelle puise à de tout autres sources qu'à
ce qu'ils disent d'eux-mêmes. Ces récits ont toujours
pour résultat de durcir un peu les huit pétales en
question qui devraient demeurer essentiellement souples et flexibles.
Un exemple va nous faire comprendre. Pour plus de clarté,
empruntons-le non pas à la vie suprasensible, mais à la
vie ordinaire. Supposons que j'apprenne une nouvelle et
qu'aussitôt je me forge un jugement, une opinion à ce
sujet. Si, peu de temps après, j'apprends sur le même
événement d'autres nouvelles qui contredisent la
première, me voici forcé de modifier mon jugement.
Cette hâte à juger exerce une influence fâcheuse sur ma
« fleur de lotus à seize pétales ».
La chose eût été tout autre si je m'étais
tu, intérieurement dans mes pensées, extérieurement
dans mes paroles, jusqu'à ce que je fusse assez sûrement
documenté pour édifier mon jugement. Ce qui doit
devenir progressivement une des caractéristiques du disciple,
c'est sa manière circonspecte de former et de formuler ses
jugements. Par contre, il est de plus en plus réceptif à
l'égard des impressions et des expériences qu'il laisse
silencieusement défiler devant lui pour recueillir toutes
les données d'un jugement, s'il y a lieu d'en porter un. Cette
prudence fait apparaître dans les pétales de la
« fleur de lotus »
une coloration d'un rouge bleuté ou rosé, tandis qu'au cas
contraire, le rouge devient sombre ou orangé.
La
formation de la
« fleur de lotus à douze pétales »
dans la région du cœur se fait d'une manière
analogue à celle de la fleur à seize pétales
(Note 11 : Dans
les conditions indiquées pour le développement de la fleur
« à seize pétales »,
on reconnaîtra des enseignements du Bouddha à ses disciples
au sujet du
« Sentier ».
Mais ici nous ne nous proposons pas d'enseigner le bouddhisme. Nous
décrivons les conditions du développement qui découlent
de la science spirituelle. Si elles concordent avec certaines instructions du
Bouddha, cela n'empêche pas qu'elles soient vraies par
elles-mêmes.)
Chez elle aussi, la moitié des pétales étaient
en activité lors d'une phase antérieure de l'évolution
humaine. Ces six pétales n'ont donc pas besoin d'une culture
spéciale de la part de l'étudiant. Ils apparaissent et
entrent en rotation spontanément dès qu'il travaille
sur les six autres. Pour favoriser cette croissance, il doit donner
consciemment à certaines activités intérieures
une orientation particulière.
Il
faut bien se rendre compte que les informations fournies par
chacun de ces sens spirituels ou psychiques ont toutes des
caractères différents. Les perceptions de la fleur à
douze pétales sont tout autres que celles de la fleur à
seize pétales. Celle-ci perçoit des formes. Les pensées
des hommes et les lois d'un phénomène naturel lui
apparaissent sous forme de figures. Ce sont toutefois des formes
immobiles, mais mouvantes et remplies de vie. Le clairvoyant qui a
développé ce sens peut, pour chaque pensée, pour
chaque loi de la nature, en reconnaître la forme. Une pensée
de vengeance, par exemple, prend une forme acérée,
comme une flèche, tandis qu'une pensée
bienveillante a souvent la forme d'une fleur qui s'ouvre, et
ainsi de suite. Des pensées précises, pleines de sens,
ont des contours symétriques et réguliers. Ceux des
concepts confus sont indécis et vagues.
De
tout autres perceptions naissent de la fleur à douze pétales.
On peut les caractériser d'une manière approximative en
disant qu'elles produisent une sensation psychique équivalente
à celle du chaud ou du froid. Les figures qu'un clairvoyant
perçoit lorsqu'il possède la fleur à seize
pétales lui procurent alors un effet psychique de chaud ou de
froid. Imaginez un clairvoyant qui ne possède encore que la
fleur à seize pétales, mais pas la fleur à douze
pétales. Devant une pensée bienveillante, il ne verra
que la figure décrite ci-dessus. Mais celui qui a développé
les deux organes ressent en plus cette émanation que l'on ne
peut qualifier autrement que comme chaleur d'âme.
Remarquez
en passant que dans la discipline occulte on ne développe
jamais un sens isolément, de sorte que l'exemple que nous
venons de prendre, tout à fait exceptionnel, était
seulement destiné à nous faire mieux
comprendre.
Par
l'épanouissement de la
« fleur à douze pétales »,
le clairvoyant acquiert une compréhension
profonde à l'égard des phénomènes
naturels. Tout ce qui exprime une croissance, un développement,
dégage pour lui de la chaleur psychique : tout ce qui se
flétrit, dépérit et meurt, fait un effet de
froid psychique.
Ce
sens est cultivé de la façon suivante :
Le
premier point auquel le disciple s'attache est de régler le
cours de ses pensées. De même que la fleur à
seize pétales est stimulée par des pensées
véridiques et pleines du sens de la réalité, la
fleur à douze pétales est influencée par la
maîtrise de l'âme sur le cours des idées. Des
pensées vagabondes qui s'enchaînent au hasard sans rime
ni raison déforment la structure de cet organe. Une suite
conséquente de pensées exemptes de tout illogisme
conserve à cet organe la forme qui convient. Quand on entend
exprimer des pensées illogiques, on doit se représenter
immédiatement ce qu'en serait la forme logique. On ne
doit pas par égoïsme rompre avec un milieu de gens
illogiques dans l'intention de favoriser son progrès
personnel. On ne doit pas non plus se sentir poussé à
corriger sur-le-champ tout ce qui se dit d'illogique autour de soi.
Qu'on s'efforce plutôt silencieusement de donner une forme
logique aux pensées qui fondent sur vous du dehors et de
conserver en toutes circonstances cette orientation logique.
En
deuxième lieu, il s'agit de rendre son comportement tout aussi
conséquent. C'est le contrôle du comportement. Toute
instabilité, toute discordance dans les activités a
pour effet de ruiner la fleur de lotus dont nous parlons. Après
une action, l'étudiant en occultisme veillera à ce que
l'action suivante soit la suite logique de la première. Celui
qui agit aujourd'hui d'une manière et demain d'une autre ne
pourra jamais former ce sens.
La
troisième qualité consiste à cultiver la
persévérance. L'étudiant ne se laissera
détourner par aucune influence du but qu'il poursuit, aussi
longtemps qu'il peut le considérer comme juste. Les obstacles
le stimuleront au lieu de l'entraver.
La
quatrième qualité est la patience ou la tolérance
à l'égard de ses semblables, des autres êtres, et
aussi des événements. L'étudiant réprimera
toute critique superflue vis-à-vis de ce qui est imparfait,
méchant ou mauvais. Il cherchera plutôt à
comprendre tout ce qui l'approche. De même que le soleil ne
retire pas sa lumière au méchant, de même la
sympathie compréhensive de l'occultiste s'exerce sur tout ce
qui vient à lui. S'il se trouve en présence de quelque
chose qui lui paraît mauvais, il ne se laisse pas aller
aussitôt à le condamner, mais il en accepte la nécessité
et cherche à le tourner en bien dans la mesure de ses forces.
Quant aux opinions différentes de la sienne, il ne les
considère pas seulement à son propre point de vue,
mais s'efforce de se mettre à la place de l'autre.
La
cinquième qualité est l'absence de prévention
envers les phénomènes de la vie. On l'appelle aussi
« foi »
ou
« confiance ».
L'occultiste va au-devant de chaque être humain, de chaque être
vivant avec cette confiance spontanée dont il imprègne toutes
ses actions. Il ne se dit jamais lorsqu'on lui apprend quelque chose :
« Je ne crois pas cela, car c'est contraire à
mes opinions. »
Il est, bien plutôt, toujours prêt à
reconsidérer et à réformer au besoin sa
propre manière de voir. Il se maintient dans un état de
réceptivité vis-à-vis de tout ce qui se présente
à lui. Et il a confiance en l'efficacité de ce qu'il
entreprend. L'hésitation et le doute sont bannis de son
caractère. S'il a un projet, il a foi dans la force de ce projet.
Cent échecs ne sauraient lui retirer cette foi; c'est là
« la foi qui transporte les montagnes ».
La
sixième qualité consiste à acquérir un
certain équilibre (égalité d'humeur).
L'occultiste s'efforce de garder son humeur dans la peine comme dans
la joie. Il perd l'habitude d'osciller entre l'abattement sombre et
la joie immodérée. Le malheur et le danger le trouvent
aussi maître de lui que le bonheur et la prospérité.
Les
lecteurs d'ouvrages de science spirituelle reconnaissent dans ce que
nous venons de décrire les
« six attributs »
que doit développer le candidat à l'initiation. Il
fallait qu'ils soient ici mis en rapport avec la
« fleur à douze pétales ».
La
discipline occulte peut donner là encore des prescriptions
spéciales pour l'épanouissement de cette fleur de
lotus. Mais même dans ce cas, la formation de la structure
normale de cet organe sensoriel dépend du développement
des qualités énoncées plus haut. Si l'on a
négligé de les cultiver, cet organe peut être
complètement déformé et lorsqu'une certaine
clairvoyance apparaît, ces qualités peuvent tourner non
plus en bien, mais en mal. L'homme peut devenir notamment
intolérant, critique, négatif. Il peut, par
exemple, ressentir les états d'esprit des autres hommes
et de ce fait les fuir ou les haïr. Il peut en venir, à
cause du froid psychique qui le submerge en face d'opinions
contraires à la sienne, à ne plus pouvoir les
entendre proférer ou à en prendre immédiatement
le contre-pied.
Si
l'on ajoute à tout ce que nous avons dit l'observation de
certaines règles que l'instructeur ne peut communiquer
qu'oralement au disciple, le développement de la
« fleur »
peut en être accéléré;
toutefois les indications données ici font entrer pleinement dans la
véritable discipline occulte. Il est très précieux,
même pour celui qui ne veut pas ou ne peut pas se soumettre à
cette discipline, d'orienter son existence dans le sens indiqué,
car l'effet sur son organisme psychique se produit sûrement,
quoique lentement. Quant au disciple, l'observation de ces préceptes
est pour lui indispensable.
S'il
travaillait à sa formation occulte sans se conformer à
ces principes, il pénétrerait dans les mondes
supérieurs sans être capable d'y voir clair; au lieu de
percevoir la réalité, il serait victime d'erreurs et
d'illusions. Sans doute, il serait devenu clairvoyant dans un certain
sens, mais au fond plus aveugle que par le passé. Car
auparavant il trouvait du moins dans le monde sensible une base
solide, tandis qu'à présent, ce qu'il voit derrière
le monde sensible lui fait commettre des erreurs sur la réalité
physique, avant d'avoir acquis l'assurance nécessaire dans les
mondes supérieurs. Il pourrait arriver à ne plus
distinguer le vrai du faux et à perdre toute direction dans
l'existence.
Précisément
pour cette raison, la patience est indispensable dans ce
domaine. Il faut toujours songer que la science spirituelle n'a pas
le droit d'aller plus loin dans son enseignement tant que le
disciple n'est pas décidé vraiment à un
développement normal des
« fleurs de lotus ».
Car on verrait surgir de véritables caricatures de ces
organes, s'ils arrivaient à s'épanouir avant d'avoir
acquis, par une maturation progressive et calme, la forme
qu'ils doivent avoir. Les indications spéciales que
donne la science spirituelle amènent la maturation de ces
formes, mais la régularité de leur structure dépend
de la manière de vivre que nous avons tracée.
La
culture de l'âme que nécessite le développement de la
« fleur à dix pétales »
est d'un caractère particulièrement délicat. Car
ici, il s'agit d'arriver à maîtriser, à contrôler
les impressions sensorielles elles-mêmes. Ce contrôle est
particulièrement nécessaire dans les débuts
de la clairvoyance. C'est seulement ainsi qu'on pourra éviter
une source d'illusions innombrables et d'actions arbitraires
dans le monde spirituel.
L'homme
ne se rend généralement pas un compte exact des
influences qui déterminent les idées ou réminiscences
qui lui viennent à tout bout de champ; il ne voit pas ce qui
les a provoquées. Prenons un exemple : quelqu'un voyage
en chemin de fer. Il est absorbé par une idée; mais
subitement sa pensée suit une autre piste. Il se souvient
d'une chose qui lui est arrivée il y a fort longtemps; ce
souvenir fait irruption et se mêle à ses pensées
actuelles. Or il n'a pas remarqué qu'en regardant par la
fenêtre, ses yeux sont tombés sur une personne qui
ressemblait à un acteur de l'histoire qui lui est ainsi
revenue en tête. Il n'a aucune conscience de ce qu'il a vu,
mais seulement des conséquences de cette rapide impression. Il
croit donc de bonne foi que ce souvenir est revenu
« tout seul »
à son esprit. Que de choses arrivent ainsi dans la
vie, que de fois les souvenirs de nos expériences et de nos
lectures reviennent sans que nous en voyions le rapport ! Il arrive
par exemple que quelqu'un ne puisse supporter une certaine couleur,
et ait complètement oublié que s'il en est ainsi, c'est
que, quand il était petit, le précepteur qui l'a
tourmenté portait un vêtement de cette couleur-là.
D'innombrables illusions reposent sur des associations de ce
genre; d'innombrables impressions s'inscrivent dans l'âme sans
être montées jusqu'à la conscience.
Le
cas suivant peut également se produire : quelqu'un lit dans le
journal l'annonce qu'une personnalité connue est décédée.
Et il soutient qu'il a eu la veille le pressentiment de cette mort,
bien qu'il n'ait rien vu ni entendu qui pût lui en donner
l'idée. Il est exact que, la veille, l'idée lui est
venue d'elle-même que cette personne ne tarderait pas à
mourir. Mais il n'a pas pris garde à un petit fait : quelques
heures avant que cette pensée ne le traverse, il s'est trouvé
en visite chez un ami. Un journal était déplié
sur la table; il ne l'a pas lu, mais inconsciemment ses yeux
ont enregistré la nouvelle que cette personne était
gravement malade. L'impression est entrée en lui tout à
fait à son insu, mais elle a été la cause de son
« pressentiment ».
Si
l'on songe à ces choses, on mesurera quelle source abondante
d'illusions et de fantaisies elles contiennent. Il faut arrêter
cette source si l'on veut voir éclore la
« fleur à dix pétales ».
Car cette fleur permet d'entrer dans les
âmes humaines pour percevoir leurs qualités
profondément cachées. Toutefois, il ne faut tenir ces
perceptions pour vraies que si l'on est complètement libéré
des illusions dues aux impressions inconscientes. Dans ce but, il est
nécessaire d'acquérir la maîtrise et le
contrôle des impressions qui nous viennent du monde extérieur.
Il faut en arriver au point de pouvoir se fermer à des
sensations auxquelles on ne veut pas donner accès. On
ne peut obtenir ce contrôle que par un renforcement de la vie
intérieure. Il doit dépendre de notre volonté
que seuls les objets sur lesquels nous dirigeons notre attention
aient le pouvoir de nous impressionner et que nous nous dérobions
aux impressions dont nous ne voulons pas. Il faut voir ce que l'on
veut voir et là où nous ne dirigeons pas
notre attention, il ne doit en réalité rien se passer
pour nous. Plus le travail intérieur de l'âme devient
énergique et intense, plus on atteint cette faculté.
L'étudiant
en occultisme ne doit pas se laisser aller sans pensée à
voir ou à entendre n'importe quoi. Pour lui n'existe que ce
qu'il veut regarder, écouter. Il doit s'exercer au milieu du
plus grand tumulte à rester sourd à tout ce qu'il ne
veut pas entendre, à fermer son regard aux objets qu'il
n'observe pas intentionnellement; son âme doit être en
quelque sorte cuirassée à l'égard de toutes
les impressions inconscientes.
Il
devra s'attacher avec un soin particulier à surveiller
directement de cette manière le cours de ses pensées.
Qu'il choisisse une pensée quelconque et ensuite qu'il
essaie de ne suivre, en pleine conscience et en parfaite liberté,
que ce qui peut se rattacher à cette pensée. Qu'il
rejette toute distraction. Si, à une pensée, il se sent
tenté d'en rattacher une autre, qu'il recherche soigneusement
d'où lui est venue cette seconde pensée.
Il
peut aller encore plus loin. Quand il ressent par exemple une
antipathie caractérisée envers un quelconque objet, il
la combat et cherche à établir avec cet objet un
rapport conscient. De la sorte il entre dans sa vie intérieure
toujours moins d'éléments inconscients. Ainsi, par
cette rigoureuse éducation de soi-même, la
« fleur à dix pétales »
acquiert la forme qu'elle doit
avoir. La vie intérieure de l'occultiste doit être
vigilante; par contre, les choses auxquelles il n'a pas besoin
d'être attentif et n'a pas à l'être, doivent
demeurer en dehors du champ de l'attention.
Lorsqu'à
cette éducation de soi-même on ajoute encore une
méditation inspirée par la science spirituelle, on voit
mûrir d'une manière correcte la fleur de lotus voisine
du creux de l'estomac et, là où les sens spirituels
précédemment décrits n'avaient vu que forme
et chaleur, apparaissent maintenant lumière et couleur. Alors
se dévoilent, par exemple, les talents et les facultés
de l'âme, les forces et les attributs cachés de la
nature. L'aura colorée des êtres vivants devient
par là visible. Toutes les choses qui nous entourent nous
révèlent leurs qualités psychiques.
Il
est évident que, précisément à cette
phase du développement, la plus grande attention est
nécessaire, car le jeu des souvenirs inconscients est ici
incroyablement intense. Si ce n'était pas le cas, beaucoup de
gens posséderaient le sens en question, car il surgit presque
aussitôt que l'on contrôle les impressions de ses sens au
point de les soumettre uniquement à la volonté de faire
attention ou non. Toutefois ce sens psychique reste inerte tant que
la vivacité des sensations physiques l'assourdit et
l'obnubile.
La
« fleur à six pétales »
située au milieu du corps est d'une culture plus malaisée;
elle réclame la maîtrise totale et consciente de l'être
tout entier, si bien que le corps, l'âme et l'esprit forment
une harmonie parfaite. Les fonctions du corps, les inclinations et
les passions de l'âme, les pensées et les idées
de l'esprit, tout doit être mis à l'unisson. Le corps
doit être purifié et ennobli au point que ses organes ne
soient soumis à nulle pression, si ce n'est au service de
l'âme et de l'esprit. L'âme ne doit pas être
poussée par le corps vers des désirs et des passions
qui contredisent une pensée pure et noble, mais de son
côté l'esprit ne doit pas vouloir tyranniser l'âme
par ses lois et ses exigences. C'est de son plein gré que
l'âme doit se soumettre à ce que le devoir exige. Le
devoir doit apparaître au disciple non pas comme un dogme
auquel il obéit à contrecœur, mais comme une
règle qu'il pratique parce qu'il l'aime. Ce qu'il doit
acquérir, c'est une âme libre qui se maintienne en
équilibre entre la vie des sens et la vie de l'esprit. Il doit
en arriver à pouvoir se confier à ses sens parce que
ceux-ci sont suffisamment purifiés pour avoir perdu le pouvoir
de l'abaisser. Il n'a plus à brider ses passions parce que
celles-ci prennent d'elles-mêmes le bon chemin. Tant qu'il lui
est nécessaire de se mortifier, le disciple ne saurait
dépasser un certain degré de développement.
Une vertu qu'il faut se forcer à pratiquer n'aura pas de
valeur en occultisme tant que survivront les désirs inférieurs
; ils troublent l'entraînement alors même que l'on
s'efforce de n'y pas céder. Peu importe, en ce cas, que les
désirs montent du corps ou de l'âme. Si, par exemple,
quelqu'un évite de recourir à un certain excitant pour
se purifier en se privant de cette jouissance, ce sacrifice ne lui
est utile que si son corps n'en souffre pas; car, si le corps en
souffre, cela prouve qu'il réclame cet excitant et la
privation perd alors toute valeur. Dans ce cas il peut être
meilleur pour l'individu de renoncer momentanément au but
poursuivi et d'attendre que des conditions plus favorables
apparaissent dans son organisme sensible, peut-être seulement
dans une autre vie. On avance davantage, en certains cas, si l'on
renonce par raison que si l'on s'obstine à poursuivre un but
inaccessible. Ce renoncement raisonnable sert mieux à
l'évolution que l'attitude contraire.
L'éclosion
de la
« fleur à six pétales »
permet d'entrer en rapport avec des êtres qui appartiennent aux
mondes supérieurs, mais à condition que leur existence
se manifeste jusque dans le monde des âmes. Toutefois la
discipline ne recommande pas de développer cette
« fleur »
avant que l'occultiste ne soit très avancé
sur le chemin par lequel il peut élever son esprit vers une
région de l'univers plus haute encore. Cette pénétration
dans le monde spirituel proprement dit doit toujours accompagner
l'éclosion des
« fleurs de lotus »,
sinon le disciple tombe dans la confusion et l'incertitude. Il apprendrait
sans doute à voir, mais il lui manquerait les moyens de
savoir apprécier ce qu'il aurait vu.
Certes
les conditions nécessaires à l'éclosion de la
fleur à six pétales constituent déjà une
certaine garantie contre la confusion et l'instabilité.
Car il ne sera pas facile d'induire en erreur celui qui aura établi
un parfait équilibre entre ses sens (le corps), ses passions
(l'âme), et ses idées (l'esprit). Cependant, il
faut plus encore que cette garantie pour que l'éclosion de
cette fleur fasse percevoir des êtres, doués d'une vie
autonome, appartenant à un monde si profondément
différent de celui qui tombe sous nos sens physiques.
Pour posséder dans ces régions la certitude voulue,
la formation des
« fleurs de lotus »
ne suffit pas; il
faut disposer d'organes encore plus affinés. C'est de
ceux-ci que nous devons parler maintenant. Nous pourrons alors
aborder ensuite l'étude des autres
« fleurs »
et de la structure à donner en outre au corps psychique
(Note 12 : Il ressort à
l'évidence du rapprochement même des mots que l'expression
« corps psychique »
renferme en soi une
contradiction, comme bien d'autres termes de la science spirituelle.
Cependant nous employons cette expression parce que la
connaissance clairvoyante perçoit quelque chose qui donne
dans le spirituel l'impression que procure le corps physique dans le
monde physique.)
*
* *
L'organisation
du corps psychique, telle que nous venons de la décrire, rend
possible à l'homme la perception des phénomènes
suprasensibles. Celui qui veut prendre vraiment pied dans le monde
supérieur ne doit toutefois pas en rester là. Il ne
suffit pas d'avoir imprimé un mouvement aux
« fleurs de lotus ».
Il faut être en état de régler et
de contrôler par soi-même et en pleine conscience le
mouvement de ces organes spirituels; sinon on deviendrait le
jouet de forces et de puissances extérieures. Pour éviter
ce danger, il faut acquérir la faculté d'entendre le
« verbe intérieur »,
et développer non seulement le
« corps psychique »,
mais aussi le
« corps éthérique ».
C'est un corps subtil qui apparaît au clairvoyant comme une sorte de
double du corps physique. Il fait en quelque sorte transition entre ce dernier
et le corps psychique
(Note 13 : Il
faut se reporter ici aux descriptions qui sont données par
l'auteur dans
« Théosophie, une introduction ... ».)
Si l'on est doué de clairvoyance, on peut en pleine conscience
faire abstraction du corps physique de l'être qu'on a devant
soi. C'est au fond l'exercice sur l'attention, transposé sur
un plan supérieur. De même que l'homme peut détourner
son attention de ce qu'il a devant lui, si bien qu'il ne le voit
pas, le clairvoyant est capable d'éliminer en quelque sorte un
corps physique pour sa perception, si bien que celui-ci devient
pour lui physiquement transparent. S'il observe ainsi l'être
qui est devant lui, au regard de son âme n'apparaît plus
que ce qu'on appelle le corps éthérique et le corps psychique
(ou astral) qui pénètre et dépasse l'être physique
et éthérique. Le corps éthérique
présente à peu de chose près la même
taille et la même forme que le corps physique, de sorte qu'il
remplit approximativement le même espace que lui. C'est un
organisme d'une structure extrêmement subtile et délicate
(Note 14 : Je
prie le physicien de ne pas se choquer de cette expression
« corps éthérique ».
Le mot d'éther est simplement un moyen d'exprimer la subtilité
de cette formation. Il n'a pas à être mis en rapport pour le
moment avec l'éther dont s'occupent les hypothèses
scientifiques.)
Sa couleur fondamentale ne ressemble à aucune des sept
couleurs qu'offre l'arc-en-ciel. Celui qui peut le percevoir fait la
découverte d'une couleur nouvelle qui n'existe pas dans le
champ de l'observation sensible. Tout au plus pourrait-on la
comparer à la nuance de la fleur de pêcher nouvellement
éclose.
Si
l'on veut concentrer son observation sur le seul corps éthérique,
il faut également abstraire le corps astral du champ de sa
vision par un exercice d'attention analogue à celui que nous
avons déjà décrit. Car si l'on ne pouvait
réaliser cette abstraction, l'aspect du corps éthérique
serait modifié par le corps astral qui le pénètre
de toutes parts.
Les
moindres parties du corps éthérique sont chez l'homme
sans cesse en mouvement. D'innombrables courants le parcourent dans
tous les sens. Ces courants entretiennent et coordonnent la vie. Tout
corps qui vit possède un corps éthérique. Les
plantes et les animaux en ont un, et l'observateur attentif en
découvre même des traces chez les minéraux.
Au
début, ces courants et ces mouvements échappent
entièrement à la volonté et à la
conscience humaines, de même que dans le corps physique
les fonctions du cœur ou de l'estomac, par exemple, ne
dépendent pas de la volonté.
Tant
que l'homme n'a pas décidé de se développer
pour acquérir des facultés suprasensibles, cette
indépendance persiste. Car à un certain niveau, le
développement consiste précisément à
adjoindre aux courants et mouvements éthériques
indépendants de la conscience d'autres courants que l'on met
soi-même en action.
Lorsque
l'entraînement occulte atteint le point où les fleurs de
lotus commencent à se mouvoir, l'étudiant a déjà
rempli plusieurs des conditions voulues pour provoquer dans son corps
éthérique l'éveil de mouvements et de courants
déterminés. Le but est alors de constituer dans le
voisinage du cœur physique une sorte de centre dont partent
des courants et des mouvements qui ont des couleurs et des formes
spirituelles infiniment variées. En réalité,
ce centre n'est pas un simple point, mais une formation très
complexe, un organe prodigieux. Il brille et scintille
spirituellement de mille couleurs et engendre des formes d'une grande
régularité, capables de se modifier rapidement.
D'autres formes, d'autres courants colorés partent de cet
organe vers toutes les autres parties du corps, elles le dépassent
même pour parcourir le corps psychique de leur forme et de leur
rayonnement. Mais les plus importants de ces courants vont vers les
fleurs de lotus. Ils circulent dans chaque pétale, en
ordonnent la rotation, puis gagnent les pointes et de là
fusent au dehors pour se perdre dans l'espace. Plus un homme est
évolué et plus le champ où ces courants
rayonnent s'étend autour de lui.
Des
rapports particulièrement étroits unissent à ce centre la
« fleur à douze pétales ».
C'est vers elle que les courants vont directement et c'est après
l'avoir traversée qu'ils se ramifient pour aboutir d'un côté
aux fleurs à seize et à deux pétales, de
l'autre, vers le bas du corps, aux fleurs à huit, six et
quatre pétales. C'est à cause de cette disposition que
la formation de la
« fleur à douze pétales »
réclame dans l'entraînement spirituel une attention
toute particulière. Si une faute était commise,
l'ensemble s'épanouirait d'une façon anormale.
On
peut se rendre compte, d'après ce que nous venons de dire, de
la nature extrêmement intime et délicate de cet
entraînement. Il faut s'y prendre avec grande exactitude
pour que tout évolue normalement. Et sans aller plus loin, il
est aisé de comprendre également que celui-là
seul peut donner des indications sur l'entraînement des
facultés suprasensibles qui a expérimenté
sur lui-même ce qu'il doit stimuler chez autrui et qui est, par
suite, pleinement en mesure de reconnaître si ses
indications aboutissent vraiment au juste résultat.
Si
l'étudiant en occultisme accomplit ce qui lui est ainsi
recommandé, il provoque dans son organisme éthérique
des courants et des mouvements qui sont en harmonie avec les
lois et l'évolution universelles auxquelles l'homme est
soumis. C'est pourquoi ces recommandations sont toujours
conformes aux grandes lois de l'évolution. Elles conseillent
les exercices de méditation et de concentration qui ont été
mentionnés, et d'autres semblables, qui, bien exécutés,
sont capables de produire les effets attendus. L'étudiant
doit, à des moments choisis, se pénétrer
profondément du contenu de ces exercices, en remplir en
quelque sorte toute son âme. Il commence par des exercices
simples et faits avant tout pour donner une force plus dense,
plus intérieure à la pensée cérébrale
dont l'activité est encore intellectuelle et rationnelle.
Par eux la pensée se libère et s'affranchit des
impressions et des expériences sensorielles. Elle se concentre
en quelque sorte sur un point que l'on tient bien en son
pouvoir. Ainsi est créé un centre provisoire pour
les courants du corps éthérique. Ce point central
n'est pas encore situé dans la région du cœur,
mais dans la tête. Il apparaît au clairvoyant comme
l'instigateur de certains mouvements.
Seule
une discipline occulte qui commence par créer ce centre
réussit complètement. Si, dès l'abord, ce point
était transféré dans la région du cœur,
le candidat pourrait bien avoir certains aperçus fragmentaires
sur les mondes supérieurs, mais il lui manquerait le coup
d'œil d'ensemble pour relier les mondes supérieurs à
notre monde sensible. C'est pour l'homme, dans la phase actuelle
de l'évolution, une nécessité absolue. Le
clairvoyant ne doit pas devenir un rêveur; il doit
conserver sous ses pieds un sol ferme.
Le
centre situé dans la tête, lorsqu'il est suffisamment
consolidé, est transféré ensuite vers le bas,
tout d'abord dans la région du larynx. Ce déplacement
résulte de la pratique persévérante des
exercices de concentration. A ce moment, c'est de cette région
que rayonnent les mouvements issus du corps éthérique
qui vont éclairer l'espace astral autour de l'être
humain.
En
continuant les exercices, l'étudiant pourra déterminer
par lui-même la position de son corps éthérique.
Auparavant cette position dépendait des forces qui viennent de
l'extérieur et du corps physique. Par l'entraînement,
l'homme se rend capable de faire tourner son corps éthérique
de tous les côtés. Cette faculté est due à
des courants qui coulent à peu près le long des
deux mains et qui ont leur centre dans la
« fleur de lotus à deux pétales »
située dans la région des
yeux. Cette circulation se fait lorsque les rayons émanant de
l'organe du larynx revêtent des formes arrondies qui se
dirigent en partie vers la
« fleur à deux pétales »
d'où elles se propagent en ondes vers les mains.
Une
autre conséquence de cet exercice est que ces courants
éthériques donnent naissance de la manière la
plus délicate à des embranchements, puis à des
ramifications qui s'entrelacent en une sorte de réseau formant
la limite du corps éthérique. Auparavant, celui-ci ne
possédait aucune frontière, pour ainsi dire, vers le
dehors, si bien que les courants vitaux entraient et sortaient
directement, reliés à l'océan universel de
vie. À présent, les influx du dehors doivent traverser
cette pellicule; par là l'être humain devient sensible
à ces courants extérieurs qui lui sont
désormais perceptibles.
Le
temps est venu de donner la région du cœur pour centre à
tout ce système circulatoire de courants et de mouvements. On
y parvient de nouveau en continuant ses exercices de concentration
et de méditation; et l'être humain atteint également
le niveau où il est doué d'audition à l'égard du
« verbe intérieur ».
Toutes choses revêtent pour lui désormais un sens nouveau. Leur
essence la plus intime devient pour ainsi dire audible à
l'oreille spirituelle. Elles font entendre leur être véritable.
Les courants éthériques mettent l'occultiste en
relation avec l'intérieur de l'univers auquel il appartient.
Il commence à ressentir la vie des choses qui l'entourent et
peut prolonger l'écho de cette vie dans les mouvements de ses
« fleurs de lotus ».
L'homme
entre ainsi dans le monde spirituel. Parvenu à ce point, un
sens nouveau s'ouvre en lui pour les paroles prononcées par
les grands Maîtres de l'humanité. Les discours du
Bouddha, les Évangiles, par exemple, lui font un effet tout
autre qu'auparavant. Ils le pénètrent d'une félicité
qu'il ne soupçonnait pas, car la résonance de ces
paroles s'harmonise avec les rythmes et les mouvements qu'il a fait
naître en lui-même. Il peut vérifier maintenant
par une expérience directe que des hommes tels que le
Bouddha ou les Évangélistes n'ont pas exprimé de
simples révélations personnelles, mais
celles que l'essence même des choses déversait en eux.
C'est
ici l'occasion de signaler un fait qui est seulement compréhensible
à la lumière de ce qui vient d'être dit. Pour les
hommes du niveau actuel de culture, les nombreuses répétitions
qui émaillent les discours du Bouddha sont surprenantes.
Pour le disciple, elles deviennent des sortes de pauses où
son sens intérieur goûte un temps de repos, car elles
correspondent à certains mouvements de nature rythmique
du corps éthérique et, si on les observe dans un calme
intérieur parfait, les mouvements de ce corps vibrent à
l'unisson. Et comme ces rythmes intérieurs reproduisent
certains rythmes de l'univers qui comportent de même à
certains moments la répétition et le retour aux motifs
antérieurs, en goûtant le style du Bouddha, l'homme vit
en harmonie avec les mystères du monde.
*
* *
La
science spirituelle enseigne que l'homme doit acquérir quatre
qualités sur le chemin de probation qui l'élève
à la connaissance supérieure :
La
première est la faculté de distinguer dans les
pensées entre le réel et l'illusoire, la vérité
et la simple opinion. La deuxième consiste à
savoir apprécier avec justesse la différence entre le vrai,
le réel et le faux semblant, l'apparence. La troisième
qualité tient dans l'acquisition des six attributs
décrits plus haut : contrôle des pensées,
contrôle des actions, persévérance, tolérance,
confiance, égalité d'humeur. La quatrième,
c'est l'amour de la liberté intérieure.
Une
compréhension purement intellectuelle de ce qui réside
dans ces qualités n'est d'aucune utilité. Elles doivent
s'incorporer à l'âme au point d'engendrer des habitudes
intérieures. Prenons par exemple la première : le
discernement entre le réel et l'apparence. L'homme doit se
former à distinguer par lui-même, dans un objet qui se
présente à lui, les éléments accessoires
de ceux qui ont de l'importance. On ne peut toutefois se discipliner
ainsi qu'en reprenant inlassablement cet exercice, à chaque
observation du monde extérieur, avec calme et patience. À
la fin, le regard atteint aussi naturellement l'authentique réalité
qu'auparavant il se contentait de l'apparence.
« Tout ce qui passe n'est que symbole. »
Cette vérité devient
pour l'âme une constatation évidente. Et il doit en
aller ainsi des trois autres qualités.
Sous
l'influence de ces quatre habitudes de l'âme, la nature subtile
du corps éthérique se modifie réellement.
Discerner entre le réel et l'apparence engendre dans la
tête le centre éthérique et prépare celui
du larynx. À vrai dire, pour leur véritable
édification, il faut encore ajouter les exercices de
concentration dont nous avons parlé plus haut et qui donnent
forme à ce que la culture des quatre qualités fait
mûrir.
Quand
le centre au voisinage du larynx est préparé,
c'est alors que le corps éthérique dispose librement de
lui-même et qu'il forme autour de lui un réseau qui fait
office d'épiderme. Il le doit à la faculté
d'apprécier avec justesse la valeur du réel en
face de l'apparence. L'être humain qui s'est élevé
à cette appréciation exacte perçoit
progressivement les faits spirituels. Il ne doit cependant pas croire
qu'il ne puisse plus accomplir que des actions logiquement
considérées comme importantes. L'acte le plus minime,
le moindre geste, a un sens pour l'économie universelle
et il s'agit seulement d'avoir conscience de cette importance.
Il ne faut pas sous-estimer les petites choses de la vie ordinaire,
mais les estimer à leur juste valeur.
Nous
avons déjà parlé des six vertus qui composent la
troisième qualité. Elles se rapportent au
développement de la
« fleur à douze pétales »
dans la région du cœur. C'est là, comme
on l'a dit, que le courant vital du corps éthérique
doit être dirigé.
La
quatrième qualité, le désir d'acquérir
la liberté intérieure, sert à porter à
maturité l'organe éthérique qui avoisine le
cœur. Quand cette disposition est devenue une habitude
fondamentale de l'âme, l'homme se libère de
tout ce qui se rattache exclusivement à sa nature
personnelle. Il cesse de considérer les choses à
son point de vue particulier. Les limites de son petit moi qui
l'enchaînaient à ce point de vue particulier
disparaissent. Les mystères du monde spirituel trouvent
l'accès de son être intérieur. Et c'est en cela
que consiste la vraie libération. Car ces chaînes
obligent l'homme à considérer les choses et les êtres
sous l'angle de sa personnalité, et ce jugement personnel est
précisément l'entrave dont l'étudiant en
occultisme doit se rendre indépendant, libre.
On
peut conclure de ce qui précède que les règles
données par la science spirituelle atteignent par leur
action le tréfonds de la nature humaine. Celles qui se
rapportent aux quatre qualités ont particulièrement
cette influence. Elles se retrouvent, sous une forme ou sous une
autre, dans tous les grands systèmes qui traitent du monde
spirituel. Ce n'est pas dans un sentiment confus de la vérité
que les fondateurs de ces visions du monde ont donné ces
règles aux hommes. Ils y ont été amenés
parce qu'ils étaient de grands initiés. C'est dans la
connaissance même qu'ils ont puisé ces règles
morales. Ils en connaissaient l'action sur les éléments
subtils de la nature humaine et ont voulu permettre à ceux qui
les pratiqueraient de conduire peu à peu ces éléments
à leur point de perfection. Vivre selon cette sagesse, c'est
travailler à son perfectionnement spirituel et c'est le
seul moyen de servir l'univers. Il n'est pas égoïste de
vouloir se perfectionner, car l'homme imparfaitement évolué
ne saurait être qu'un serviteur imparfait de l'humanité
et de l'univers. On est d'autant plus utile que l'on est soi-même
plus avancé dans l'évolution. C'est ici que se vérifie
le proverbe :
« La rose qui s'orne elle-même,
orne aussi le jardin. »
Les
fondateurs des grands systèmes se révèlent
par là être de grands initiés. Ce qui vient d'eux
se répand dans les âmes humaines et, à la suite
de l'humanité, c'est le monde entier qui progresse. Les
initiés ont travaillé en pleine conscience à
cette marche de l'humanité. On ne comprend leurs enseignements
que si l'on sait voir qu'ils les ont puisés dans une
connaissance des régions les plus profondes de la nature
humaine. Les initiés étaient de grands savants, et
ils ont tiré de leurs connaissances l'idéal proposé
à l'humanité. L'homme se rapproche de ces grands
maîtres lorsque, travaillant sur lui-même, il s'élève
progressivement à leur hauteur.
Chez
un être humain qui a entrepris de donner à son
corps éthérique la formation que nous venons de
décrire, une vie toute nouvelle commence. Il doit
recevoir de l'enseignement occulte, au moment voulu, les explications
qui vont lui permettre de s'adapter à cette nouvelle
existence. Par exemple, lorsqu'il perçoit, au moyen de la
« fleur de lotus à seize pétales »,
des formes qui proviennent d'un monde suprasensible, il doit se rendre compte
que ces formes diffèrent les unes des autres suivant les choses ou
les êtres qui les ont engendrées. La première
chose qu'il observe, c'est que certaines de ces formes sont
influencées par ses propres pensées et sentiments,
tandis que d'autres ne le sont pas, ou presque pas. Certaines sortes
de figures se transforment si l'observateur pense en les apercevant :
« C'est beau »,
puis en poursuivant son observation :
« C'est utile. »
Les forces qui émanent de minéraux
ou d'objets fabriqués ont notamment la particularité de
se transformer avec chaque pensée, chaque sentiment qui
traverse l'âme de celui qui les regarde. C'est déjà
moins le cas chez les formes qui viennent des plantes et encore
moins chez celles qui correspondent aux animaux. Elles aussi sont
mobiles et pleines de vie. Mais cette mobilité provient
en partie seulement de l'influence exercée par les pensées
et les impressions de l'observateur; elle a encore d'autres
causes sur lesquelles l'homme est sans action.
Au
sein de ce monde des formes se trouve une espèce particulière
qui est d'abord presque entièrement soustraite à
l'influence de l'homme. L'occultiste peut se convaincre que ces
formes n'émanent ni de minéraux, ni d'objets fabriqués,
ni de plantes, ni d'animaux. Pour s'en rendre clairement compte, il
n'a qu'à considérer les formes dont il est sûr
qu'elles sont nées de sentiments, d'instincts et de
passions venant d'hommes autres que lui. Ses propres pensées
et sentiments n'exercent plus sur celles-ci qu'une action minime,
bien qu'encore appréciable. En fin de compte, il rencontre
toujours, dans le monde des formes, un
« reste »
sur lequel son influence n'a pas de prise. Ce
« reste »
constitue même, dans les débuts, une très grande partie
de ce qu'il perçoit. Il ne peut arriver à s'expliquer ce genre
de perceptions que lorsqu'il s'examine lui-même. Il
découvre alors quelles sont les formes qui sont
engendrées par lui, car ce sont ses actes, ses volontés,
ses désirs à lui qui se manifestent par ces formes. Un
instinct qui réside en lui, un désir qu'il ressent, un
projet qu'il nourrit, tout se fait jour sous cette apparence. Bien
plus, son caractère même s'imprime dans ce monde des
formes. Ainsi, par sa pensée et ses sentiments conscients,
l'homme peut exercer une influence sur toutes les formes qu'il n'a
pas personnellement créées. Quant à celles
que lui-même engendre dans le monde suprasensible, il n'a
plus d'action sur elles dès l'instant qu'elles sont
sorties de lui.
Il
résulte de ce que nous venons de dire que, pour la perception
supérieure, la vie intérieure de l'homme, le monde
entier de ses instincts, de ses passions, de ses représentations,
s'exprime par des figures extérieures, exactement comme
d'autres objets ou d'autres êtres. Le monde intérieur
devient, pour la connaissance suprasensible, une partie du monde
extérieur. Comme dans le monde physique, si l'on est environné
de miroirs, on peut contempler sa forme corporelle, ainsi dans le
monde suprasensible on se trouve face à face avec son être
psychique extériorisé qui se présente à
vous tel un reflet dans la glace.
A
cette étape de son évolution, le temps est venu pour
l'occultiste de surmonter l'illusion qui naît des limites
étroites de sa personnalité. Ce qui se passe au-dedans
de cette personnalité, il peut le considérer maintenant
comme faisant partie du monde extérieur au même titre
que ce qui jusqu'ici tombait sous ses sens. Cette expérience
le conduit progressivement à savoir se traiter lui-même
comme il traitait autrefois les êtres qui l'entouraient.
Si
son regard s'ouvrait sur les mondes spirituels avant qu'il ne
soit suffisamment préparé à reconnaître
les êtres qui le peuplent, il se trouverait devant le
tableau de son âme tout d'abord comme devant une énigme.
Ses instincts et ses passions s'offriraient à sa vue sous des
formes qui lui donneraient l'impression d'être parfois
animales, parfois (plus rarement) humaines. En fait, les formes
animales de ces régions ne ressemblent jamais que de loin
à celles du monde physique, mais un observateur inexpérimenté
voit surtout les rapprochements à faire.
Il
faut donc acquérir une toute nouvelle façon de juger
quand on pénètre dans ces régions, car non
seulement les éléments de la vie humaine intérieure
prennent une forme extérieure, mais encore ils se présentent
renversés comme une image
« en miroir ».
Lorsqu'on lit par exemple un nombre, il faut le lire en le renversant. Si l'on
voit dans l'astral le nombre 265, cela signifie en réalité
562. De même une sphère est perçue comme si
l'observateur se trouvait à son centre. Il faut donc apprendre
à traduire en conséquence les données de cette
perception intérieure des choses. Les phénomènes
de l'âme sont eux aussi reflétés sous forme
renversée. Un souhait dirigé vers un objet extérieur
se présente comme une forme qui se retourne vers l'être
même qui émet ce souhait. Les passions qui ont leur
siège dans la nature inférieure de l'homme peuvent
revêtir la forme d'animaux ou d'êtres du même genre
qui se ruent avec une extrême violence sur leur auteur. En
réalité, ces passions sont bien sorties de lui et
cherchent l'objet de leur assouvissement dans le monde extérieur.
Mais, étant donnée la propriété de la
substance astrale d'agir comme un miroir, le reflet de cette
tendance vers l'extérieur se projette sur l'homme de passion
comme une attaque.
Si
l'on a appris à se connaître soi-même par une
observation calme et objective, même avant de s'élever à
la perception suprasensible, on trouve aussi la force et le courage
nécessaires pour se conduire comme il convient au moment où
les images de la vie intérieure viennent à vous du
dehors. Ceux qui ne se sont pas suffisamment confrontés avec
eux-mêmes, par cet examen lucide, ne se reconnaîtront
pas dans le reflet du miroir et ils le prendront pour étranger
à eux. En outre, ce spectacle leur donnera de l'angoisse et,
comme ils ne pourront le supporter, ils essaieront de se persuader
que tout cela n'est qu'une production chimérique, ne
pouvant mener à rien. Dans les deux cas, si l'on parvenait à
ce stade de la discipline sans la maturité qui doit lui
correspondre, il se produirait un arrêt funeste dans le
développement.
Avant
de s'élever plus haut, il est donc indispensable que le
regard spirituel du disciple puisse percer à jour sa propre
âme. Car c'est en lui-même au fond qu'il possède
cette part d'âme et d'esprit qu'il est le mieux à même
de juger. S'il a d'abord acquis, dans le monde physique, une solide
connaissance de sa personnalité et qu'il rencontre dans les
mondes suprasensibles en premier lieu le reflet de cette
personnalité, il peut les comparer l'un à l'autre. Il
est en mesure de rapporter l'expérience supérieure à
une donnée connue et de partir ainsi d'un sol ferme. Car
sinon, quelles que soient les autres entités
spirituelles qu'il rencontrerait, il n'aurait aucun critère
pour en apprécier la nature et la réalité. Il
sentirait bientôt le sol se dérober sous ses pieds. On
ne saurait par conséquent assez souvent redire que l'entrée
la plus sûre dans le monde suprasensible se fait au moyen de la
connaissance impartiale et approfondie de sa propre nature.
Des
images spirituelles, voilà donc ce que l'homme
rencontre en premier lieu sur sa route vers les mondes supérieurs.
Quant au prototype auquel se rapportent ces images, il est en
lui-même. Il faut que le disciple soit par conséquent
suffisamment mûr pour ne pas demander des réalités
tangibles à cette première étape de la
recherche, mais pour accepter que ce qu'il rencontre à ce
niveau ne soit que ... des images. Toutefois, au sein de ce
monde d'images, il découvre bientôt quelque chose
de nouveau. Son moi inférieur se tient devant lui, lui
aussi reflet en miroir certes, mais dans ce reflet se projette la
réalité véritable du Moi supérieur. De
la personnalité inférieure, ainsi contemplée en
image, se dégage la forme du Moi spirituel et c'est de lui
seul qu'émanent des liens capables de vous unir à
d'autres réalités spirituelles.
Le
temps est venu maintenant de se servir de la
« fleur de lotus à deux pétales »
située dans la région des
yeux. Lorsqu'elle commence à entrer en mouvement, l'homme
trouve par elle la possibilité de mettre son Moi
supérieur en contact avec des entités spirituelles qui
sont au-dessus de lui. Les courants issus de cette
« fleur de lotus »
se dirigent vers ces entités supérieures,
et de telle manière que l'on a pleine conscience de leur
mouvement. De même que la lumière rend les objets
physiques visibles à l'œil, de même ces courants
rendent visibles à l'âme les êtres spirituels des
mondes supérieurs.
En
se plongeant dans les représentations qu'il tire de la science
spirituelle et des vérités fondamentales qu'elle
contient, l'étudiant en occultisme apprend à
mettre en mouvement et à diriger les courants qu'émet cette
« fleur de lotus à deux pétales ».
C'est
à cette phase de l'entraînement que se révèle
toute la valeur d'un jugement sain, d'une discipline claire et
logique. Il suffit de songer en effet que le Moi supérieur,
qui jusqu'ici a dormi dans l'homme comme une graine inconsciente,
vient de naître à la vie consciente. Et ce n'est pas là
un symbole; il s'agit réellement d'une naissance dans
le monde de l'esprit. Pour être viable, cet être
spirituel doit venir au monde pourvu de tous les organes, de tous les
rudiments nécessaires à sa future existence. De même
que la nature doit doter le petit enfant nouveau-né d'yeux et
d'oreilles bien constitués, de même les lois de notre
développement personnel doivent veiller à ce que le Moi
supérieur vienne à la vie avec toutes les facultés
nécessaires. Et les lois qui garantissent ainsi la formation
des organes spirituels ne sont autres que les saines lois de la
raison et de la morale qui règnent dans notre monde physique.
Ce Moi spirituel mûrit dans la personne physique comme l'enfant
dans le sein maternel. La santé de l'enfant dépend de
l'action normale des lois naturelles dans le sein de sa mère.
De même, la santé de l'homme spirituel est déterminée
par les lois de l'entendement habituel et de la raison qui
s'exerce dans la vie physique. Nul ne saurait enfanter un Moi
supérieur sain s'il ne vit et ne pense pas sainement dans le
monde physique. Une vie conforme à la nature et à la
raison est la base de tout véritable développement
spirituel.
Dans
le sein maternel, l'enfant vit déjà selon les forces
naturelles dont ses organes sensoriels perçoivent l'action
après sa naissance; ainsi le Moi spirituel vit déjà
conformément aux lois du monde spirituel au sein de
l'existence physique, et de même que l'enfant guidé par
un obscur instinct vital s'assimile les forces de vie, l'homme peut
s'assimiler des forces spirituelles avant que son Moi supérieur
ne soit né. Bien plus, il doit le faire pour que ce Moi
naisse parfaitement conformé. Il serait inexact de dire :
je ne puis accepter les enseignements de la science spirituelle avant
d'être clairvoyant moi-même. Car sans approfondir
cette science spirituelle, on ne pourra jamais parvenir à la
vraie connaissance supérieure. On se trouverait alors dans la
même situation qu'un enfant qui refuserait de prendre pendant
la Vie embryonnaire ce que lui transmet l'organisme maternel et
voudrait attendre de pouvoir se le procurer par lui-même.
L'embryon de l'enfant a la sensation confuse que ce qu'il reçoit
est bon pour lui. L'homme qui ne voit pas encore en esprit pressent
la vérité des enseignements de la science spirituelle.
Il existe une sorte d'intuition fondée sur le sentiment
de la vérité et sur les jugements d'une raison claire,
saine et étendue, qui permet de pénétrer
cet enseignement, alors même qu'on ne perçoit pas encore
les choses de l'esprit. Il faut d'abord acquérir les
connaissances mystiques; car cette étude vous prépare
à la voyance. Celui qui parviendrait à la voyance avant
de s'y être préparé de cette manière
ressemblerait à un enfant venu au monde avec des yeux et des
oreilles, mais point de cerveau. Le monde des couleurs et des sons
s'étendrait tout entier devant lui, mais il ne saurait qu'en
faire. Ainsi, tout ce qu'on a reçu dans la vie physique
comme une évidence, grâce au sens de la vérité,
à l'intelligence, à la raison, tout cela prend à
ce stade une valeur d'expérience vécue.
Le
disciple possède maintenant une connaissance directe de
son Moi supérieur. Et il découvre que ce Moi est en
relation avec des entités spirituelles d'une nature
transcendante; il forme un tout avec elles. Il constate ainsi que sa
personnalité inférieure provient d'un monde plus
haut, mais il voit que sa nature supérieure la surclasse et
lui survit. Il peut maintenant lui-même différencier
en lui ce qui passe de ce qui demeure. Cela revient à vérifier
par expérience personnelle ce qu'on enseigne, à savoir
que le Moi supérieur s'incarne dans une forme inférieure.
Il voit alors qu'il fait partie d'un ensemble spirituel qui
détermine son caractère et son destin. Il
contemple la loi de sa vie, le Karma, et reconnaît que
son moi inférieur, dans son existence actuelle, n'est qu'une
des formes que peut prendre son être supérieur. La
possibilité de travailler du haut de son individualité
spirituelle à se perfectionner de plus en plus lui apparaît
clairement. Il constate les grandes différences qui séparent
les êtres humains sous ce rapport. Certains sont au-dessus de
lui à des degrés auxquels il ne parviendra que plus
tard. Il se rend compte que leurs paroles et leurs actions découlent
d'une source supérieure. Toutes ces expériences, il les
doit au premier regard qu'il peut personnellement diriger vers
le monde spirituel. Ceux qu'on appelle les
« grands initiés de l'humanité »
vont commencer à être pour lui des réalités.
Tels
sont les dons que confère au disciple cette phase de son
évolution : vision du Moi supérieur, de son
incarnation dans un moi inférieur, des lois qui ordonnent la
vie dans le monde physique selon les harmonies spirituelles
(Karma), — finalement de l'existence des grands initiés.
C'est
pourquoi l'on dit d'un disciple qui a atteint ce niveau que le doute
n'existe plus pour lui. S'il avait jadis possédé
une foi fondée sur des raisons logiques et sur une pensée
saine, à la place d'une croyance apparaît maintenant un
savoir intégral et une vue intuitive que rien ne peut
ébranler.
Les
religions dans leurs cérémonies, leurs sacrements
et leurs rites, ont fourni des symboles extérieurement
visibles pour les êtres et les événements du
monde spirituel. On ne peut le nier que si l'on ne les a pas encore
étudiées dans toute leur profondeur. Celui qui plonge
directement son regard dans la réalité spirituelle
comprend la haute signification de ces actes cultuels
extérieurement visibles. Il voit dans le service religieux un
reflet des relations de l'homme avec le monde de l'esprit.
Voilà
dans quel sens le disciple qui s'est élevé à ce
niveau est véritablement devenu un nouvel homme. Par les
courants de son corps éthérique, il peut s'efforcer
maintenant d'acquérir peu à peu la maîtrise du
principe supérieur de sa vie, et atteindre ainsi à un
haut degré de liberté vis-à-vis de son corps
physique.
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