onload="setVariables();checkLocation()" id="eLib_BodyTag">
[Steiner e.Lib Icon]
Rudolf Steiner e.Lib Section Name Rudolf Steiner e.Lib



L'Initiation

L'Initiation: Deuxieme Partie: Dissociation de la Personnalite Au Cours de L'Entrainement Occulte

On-line since: 17th July, 2006

DISSOCIATION DE LA PERSONNALITE AU COURS DE L'ENTRAINEMENT OCCULTE

Pendant le sommeil, l'âme humaine ne reçoit pas d'informations des organes physiques des sens. Dans cet état, les perceptions du monde extérieur ne l'atteignent pas. Elle est vraiment, à un certain égard, en dehors de cette partie de la nature humaine qu'on appelle le corps physique et qui, à l'état de veille, transmet les perceptions sensorielles et la pensée. Elle n'est plus reliée qu'aux corps subtils (éthérique et astral), lesquels échappent à l'observation physique. Or l'activité de ces corps subtils est loin de s'arrêter pendant le sommeil. De même que le corps physique est en relation avec les choses et les êtres du monde physique sur lesquels il agit et qui agissent sur lui, de même l'âme vit dans le monde supérieur et cette vie n'est pas interrompue par le sommeil. Car pendant ce temps, l'âme est pleinement active. Mais l'homme ne peut rien savoir de cette activité tant qu'il ne possède pas d'organes de perception spirituelle, grâce auxquels il puisse observer pendant le sommeil ce qui l'entoure et ce qu'il fait lui-même, aussi bien qu'à l'état de veille il observe le milieu physique avec ses sens. La discipline occulte consiste, comme on l'a vu dans les précédents chapitres, à aider l'éclosion de ces sens spirituels.

Or, si l'homme parvient par cette discipline à transformer le caractère du sommeil dans le sens que nous avons indiqué, il se trouve à même de suivre consciemment tout ce qui se passe autour de lui quand il est dans cet état, et il peut se conduire à son gré dans ce milieu comme il le fait à l'état de veille à l'aide des sens. Il est bon toutefois de remarquer que la perception consciente du milieu physique ordinaire suppose déjà un degré supérieur de clairvoyance. Nous en avons déjà parlé plus haut. Tandis que, au début de l'entraînement, l'étudiant en occultisme perçoit seulement les réalités d'un autre monde sans pouvoir retrouver leur lien avec les objets de son milieu familier.

Les caractères particuliers du songe et du sommeil se retrouvent constamment dans toute la vie. L'âme vit sans interruption en contact avec les mondes supérieurs, et y est active. Elle y puise les impulsions par lesquelles elle ne cesse d'agir sur son corps physique. Chez l'homme ordinaire, cette vie dans le monde spirituel reste inconsciente. L'occultiste, lui, en prend conscience et c'est ce qui transforme son existence. Aussi longtemps que l'âme n'est pas clairvoyante, elle est menée par des êtres qui la dépassent, mais de même qu'un aveugle-né, une fois opéré, voit son existence se transformer et devenir tout autre dès qu'il peut se conduire sans guide, de même la formation occulte métamorphose la vie de l'être humain. Désormais, il n'a plus besoin de guide, il doit se prendre en main. Par là, il devient évidemment sujet à bien des erreurs que la conscience ordinaire ne soupçonne pas. Il tire ses mobiles d'action d'une sphère où jusqu'alors, sans qu'il en ait conscience, il était soumis à des puissances supérieures intégrées dans l'harmonie universelle. Le disciple se retire donc de cette harmonie et maintenant c'est par lui-même qu'il doit accomplir des actes que l'univers accomplissait auparavant pour lui et sans sa participation consciente.

C'est bien pour cette raison que, dans les écrits qui traitent de l'occultisme, il est si souvent parlé des dangers liés à l'essor dans les mondes supérieurs. La description de ces dangers semble faite pour remplir d'effroi les âmes timides à l'égard de cette nouvelle vie. Mais il faut dire que ces dangers existent seulement pour celui qui n'observe pas les règles nécessaires de prudence. Quand ces règles sont observées et que le disciple a suivi de point en point les avis du véritable occultisme, alors, si son essor est marqué par des expériences qui dépassent en puissance et en grandeur tout ce que la plus audacieuse fantaisie peut imaginer, on ne saurait cependant parler de danger réel pour la santé ni pour la vie. Certes l'homme découvre des forces terribles qui menacent la vie sous toutes ses formes; il devient capable de se servir lui-même de certaines forces et d'êtres qui échappent à la perception sensorielle. La tentation est grande de les asservir à son intérêt personnel d'une manière indue, ou de les employer à tort, faute de connaissances suffisantes. Nous en reparlerons dans le chapitre sur le « gardien du seuil ».

Il faut bien se rendre compte d'ailleurs que ces forces ennemies de la vie existent, alors même qu'on les ignore; il est vrai qu'en ce cas leur relation avec l'humanité est soumise à des lois supérieures. C'est cette relation qui change quand l'homme pénètre consciemment dans ce monde qui lui était jusqu'alors caché. Toutefois, il renforce par là sa propre existence et enrichit dans une mesure incroyable sa sphère de vie. Il n'y a de vrai danger que si le disciple s'impatiente ou se surestime, s'il veut se mesurer trop tôt tout seul avec certaines expériences sans attendre que son esprit se soit suffisamment pénétré des lois spirituelles. L'humilité et la modestie sont encore bien moins des mots vides dans ce domaine que dans la vie quotidienne. Quand le disciple les possède vraiment, il peut être assuré que son essor dans les mondes supérieurs ne comportera aucun danger pour ce qu'on appelle habituellement la vie et la santé.

Avant tout, il faut éviter les dissonances entre les expériences supérieures et les exigences de la vie quotidienne. C'est sur la terre que les devoirs de l'homme sont à remplir et ce serait manquer à coup sûr sa destinée que de vouloir échapper à ces devoirs terrestres pour s'évader dans un autre monde.

Mais ce que les sens perçoivent n'est toutefois qu'une partie du monde, et les entités qui s'expriment au travers des phénomènes sensibles sont de nature spirituelle. Il faut participer à la vie de l'esprit pour être à même de transférer ses manifestations en ce monde d'ici-bas. L'homme transforme la terre en y implantant les germes de l'esprit recueillis dans le monde supérieur. Là est sa mission. Il doit tendre à s'élever jusqu'au niveau de l'esprit précisément parce que le monde sensible est né du spirituel et qu'on ne peut agir efficacement sur cette terre qu'en ayant part à ce monde spirituel qui recèle toute énergie créatrice. Si l'on applique dans ce sens la discipline occulte sans dévier un seul moment de la direction que l'on s'est fixée, alors on n'a pas à redouter le moindre danger. Une perspective de danger d'ailleurs ne doit détourner personne, mais uniquement encourager à acquérir les qualités qui font le véritable étudiant en occultisme.

Après ces remarques préliminaires qui peuvent dissiper toute crainte, nous allons passer maintenant à la description de quelques-uns de ces prétendus « dangers ». Il se produit de grands changements dans les corps subtils du disciple. Ces changements résultent des processus évolutifs des trois grandes forces de l'âme : volonté, sentiment et pensée. Avant que l'on n'entreprenne un entraînement spirituel, ces trois forces se trouvent normalement dans une relation qui dépend des lois universelles. L'homme ne peut pas sentir, penser ou vouloir n'importe comment. Par exemple, lorsqu'une représentation se fait jour dans la conscience, elle s'associe tout naturellement à un certain sentiment, ou bien elle entraîne une certaine décision. Si l'on entre dans une chambre où l'air est étouffant, on ouvre la fenêtre; si l'on s'entend appeler par son nom, on répond à cet appel; on vous interroge, vous répondez; si l'on voit un objet qui sent mauvais, on éprouve un sentiment désagréable.

Ce sont là des rapports simples, spontanés, entre la pensée, le sentiment et la volonté. Or, dès que l'on regarde la vie humaine dans son ensemble, on constate qu'elle repose tout entière sur ces liens. Bien plus, une vie ne semble être « normale » que si l'on peut y constater la présence de ces liens naturels entre les forces de l'âme. On considérerait comme en contradiction avec les lois de la nature humaine qu'un homme, par exemple, éprouvât un sentiment agréable en respirant une mauvaise odeur ou qu'il ne répondît pas à une question. Les résultats que l'on peut escompter d'une bonne éducation ou d'un enseignement correct, c'est précisément d'affermir chez l'élève ces liens naturels entre la pensée, le sentiment et la volonté. Les notions que l'on inculque à un enfant sont destinées à être solidement reliées pour l'avenir au réseau de sa sensibilité et de sa vie volontaire.

La cause en est que dans les « corps » subtils de l'âme les centres de ces trois forces coïncident entre eux pour former un tout cohérent. Cette même union se retrouve d'ailleurs dans le corps physique matériel. Car là aussi les organes qui servent à la volonté se trouvent naturellement reliés à ceux qui expriment la pensée et le sentiment. C'est ainsi que telle pensée appelle normalement le sentiment ou l'acte volitif correspondant. Or, il vient un moment, dans l'entraînement occulte, où les liens qui unissent entre elles ces trois forces fondamentales ne jouent plus. Cet arrêt ne se produit d'abord que dans le subtil organisme psychique; mais la séparation se répercute, au stade suivant, jusque sur le corps physique. Le cerveau d'un homme spirituellement évolué se dissocie par exemple littéralement en trois éléments distincts. Cette séparation n'est d'ailleurs pas perceptible aux sens ordinaires, ni vérifiable par les instruments les plus précis. Elle se produit pourtant et le clairvoyant a le moyen de l'observer. Le cerveau du clairvoyant avancé se dissocie en trois natures indépendantes l'une de l'autre : le cerveau-pensée, le cerveau-sentiment et le cerveau-volonté.

Les organes de la pensée, du sentiment et de la volonté sont désormais parfaitement autonomes. Nulle loi innée ne règle plus leurs rapports et c'est à la conscience supérieure éveillée en l'homme que revient la charge de les harmoniser.

L'étudiant en occultisme constate ce changement; il remarque qu'il n'existe plus chez lui aucun lien entre une représentation et un sentiment ou entre un sentiment et une volition — à moins qu'il ne crée lui-même ce lien. Nulle impulsion ne le mène plus d'une idée vers une action, s'il ne la crée pas lui-même en lui. Il peut maintenant rester insensible devant un phénomène qui lui inspirait auparavant un amour vibrant ou une haine violente; il reste sans réaction à l'égard d'une pensée qui auparavant l'aurait porté avec enthousiasme vers l'action. D'autre part, il peut accomplir volontairement des actes pour lesquels il n'existe chez l'homme ordinaire aucune raison d'agir. Il a réalisé cette grande conquête de la discipline occulte : la maîtrise parfaite de la coordination entre les trois forces de l'âme. Mais en retour, c'est lui qui est désormais responsable de cette coordination.

L'homme ne peut entrer en relations conscientes avec certaines forces et certains êtres suprasensibles que s'il a ainsi transformé sa nature interne. Car il existe une parenté entre certaines forces fondamentales de l'univers et les forces personnelles de son âme. Par exemple, celle qui réside dans la volonté peut agir sur des êtres et des objets précis du monde spirituel, et les percevoir. Mais elle ne le peut que lorsqu'elle s'est libérée de toute union intime dans l'âme avec le sentiment et la pensée. Dès que ce lien est rompu, l'action de la volonté s'extériorise. Et il en va de même pour les forces de la pensée et du sentiment. Par exemple, si un homme dirige vers un autre un sentiment de haine, ce sentiment est visible au clairvoyant sous la forme d'un léger nuage lumineux d'une coloration particulière. Le clairvoyant peut détourner ce sentiment de haine tout comme dans le monde sensible un homme physique peut détourner le coup qui le menace. La haine devient dans le monde supérieur un phénomène visible. Et si le clairvoyant peut le percevoir, c'est parce qu'il est capable d'extérioriser la force qui réside dans sa sensibilité, de même que l'homme physique tourne vers le dehors la sensibilité de son œil quand il veut voir. Or, il en est de même pour des faits encore bien plus importants de la vie sensible. L'homme peut établir avec eux un rapport conscient dès que les trois forces fondamentales de l'âme sont rendues indépendantes l'une de l'autre.

Cette séparation entre pensée, sentiment et volonté peut engendrer, si l'on oublie les règles du véritable occultisme, trois sortes de dangers de nature à troubler le progrès de l'être humain. Le premier désordre peut se produire si les liens sont rompus avant que la conscience supérieure soit assez avancée dans la connaissance pour pouvoir imprimer elle-même l'orientation qui assurera l'accord libre et harmonieux des forces qui se sont dissociées.

Car, en règle générale, ces forces ne sont pas toutes les trois, au même moment, à un degré égal de maturité. Chez celui-ci, c'est la pensée qui est la plus développée, chez celui-là, c'est le sentiment ou la volonté. Tant que la coordination des forces reste maintenue par les lois universelles, la prédominance de l'une d'entre elles ne saurait provoquer de perturbation importante. Chez l'être de volonté, par exemple, les lois universelles permettent à la pensée et au sentiment de compenser les excès auxquels pourrait se porter une activité volontaire exagérée. Si cet être de volonté entreprend de suivre un développement occulte, cette influence compensatrice du sentiment et de la pensée cesse toutefois de freiner la volonté qui se livre à des débordements terribles, et si l'homme n'est pas parfaitement maître de sa conscience supérieure au point de rétablir l'harmonie, alors la volonté ne connaît plus de frein et ne cesse de tyranniser l'âme. Le sentiment et la pensée sont réduits à une impuissance totale. Fouetté par une activité volontaire dominatrice, l'homme est son esclave. Une nature de violence s'est créée, qui passe sans frein d'une action à une autre.

La deuxième aberration peut apparaître si le sentiment se dérègle outre mesure. Une personne naturellement encline à la dévotion et au respect envers d'autres êtres peut par exemple tomber dans une dépendance totale à leur égard jusqu'à en perdre sa volonté et sa pensée personnelles.

Au lieu d'acquérir la connaissance supérieure, cette âme s'anémie et se vide misérablement. Elle peut aussi, si elle laisse la bride à une vie affective portée à la piété et aux sentiments religieux, tomber dans un mysticisme exalté, déréglé.

Le troisième désordre résulte du développement exagéré de la pensée. Il apparaît alors un état d'âme contemplatif, introverti, hostile aux manifestations de la vie. Pour ces êtres-là, le monde ne semble plus avoir d'importance que dans la mesure où il offre des occasions de satisfaire leur avidité dévorante de connaissances. Nulle pensée ne saurait plus les inciter à l'action, ni éveiller un sentiment. Ils observent toutes choses avec froideur et détachement. Ils fuient le contact avec la réalité quotidienne, qui leur répugne, ou tout au moins qui a perdu tout sens pour eux.

Telles sont les trois impasses dans lesquelles le disciple peut s'égarer : la volonté de puissance, les exaltations du sentiment, une recherche de connaissance froide et sans amour. Pour l'observateur superficiel, et même pour la médecine matérialiste, un être en proie à l'une de ces erreurs ressemble de très près à un fou ou tout au moins à un « grand nerveux ». Il est évident que le disciple doit éviter cette ressemblance. Et il le peut s'il développe les trois forces de l'âme d'une manière harmonieuse avant de détacher leurs liens innés et de les placer sous l'unique contrôle de la conscience supérieure.

Car dès qu'une faute a été commise et que l'une des forces fondamentales est livrée à elle même, la naissance de l'âme supérieure ne peut plus produire qu'un être anormal et incomplet. La force déchaînée remplit la personnalité tout entière et il ne sera pas possible d'ici longtemps de songer à remettre tout en équilibre. Chez celui qui n'entreprend pas de se perfectionner, le fait d'être une nature volontaire ou sentimentale, ou méditative, apparaît comme un trait de caractère inoffensif. Mais ces prédominances exclusives prennent chez le disciple des proportions telles qu'il y perd l'intégrité de sa nature humaine et se trouve désemparé dans l'existence.

Le danger ne devient d'ailleurs sérieux qu'au moment où le disciple acquiert la faculté de reproduire à l'état de veille des expériences semblables à celles du sommeil. Tant qu'il n'a pas dépassé le stade où le sommeil est entrecoupé d'éclaircies, la vie sensible gouvernée par les lois cosmiques rétablit elle-même l'équilibre. C'est pourquoi il est si nécessaire que la vie du disciple à l'état de veille soit une vie normale, saine et réglée à tous égards. Mieux il répond aux exigences naturelles en maintenant son corps, son âme et son esprit en état de vigueur et de santé, et mieux cela vaut pour lui. Par contre, si la vie quotidienne contribue à l'exciter ou à le déséquilibrer et que cette influence pernicieuse vient du dehors ajouter un effet destructeur aux grands changements qui se font dans sa vie intérieure, le résultat peut être mauvais. Il doit donc rechercher tout ce qui correspond au jeu normal de ses facultés et de ses forces, tout ce qui peut favoriser des conditions de vie harmonieuses avec son entourage. Il doit, par contre, éviter tout ce qui pourrait troubler cette harmonie et introduire dans son existence inquiétude ou agitation. Il ne s'agit pas tant de résorber les manifestations extérieures de cette agitation que de veiller à ce que la vie intérieure, les idées, les états d'âme, la santé, ne subissent pas constamment des chocs.

Tout cela n'est plus si facile à observer quand on a entrepris un développement occulte. Car les expériences supérieures qui enrichissent maintenant la vie exercent une action continue sur l'existence entière. Et s'il y a dans ces expériences supérieures quelque chose d'anormal, un désordre vous guette et peut à tout moment vous jeter hors du droit chemin. Aussi le disciple ne doit-il rien négliger de ce qui lui assurera la maîtrise sur tout son être. Jamais ne doivent lui faire défaut la présence d'esprit ou le calme nécessaires pour aborder quelque situation où la vie le place. D'ailleurs une discipline occulte véritable fait naître par elle-même toutes ces qualités. Elle vous instruit des dangers en vous donnant au moment voulu la pleine force nécessaire pour les conjurer.




The Rudolf Steiner e.Lib is maintained by:
The e.Librarian: elibrarian@elib.com
[Spacing]